Couronne

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

1. À l'origine, la couronne n'est qu'un simple rameau courbé ; par la suite, on y adjoint une feuille de métal, d'or ou d'argent, plus ou moins ouvragé. Claudius Pulcher, consul en 249 av. J.-C., est le premier qui fait ciseler des couronnes et y ajouter des lamelles d'or aux rubans d'écorce de tilleul qui, jusque-là, servaient à les nouer ; Licinius Crassus, consul en 205 av. J.-C., serait le premier qui, ayant fait fabriquer des couronnes artificielles, en or et en argent, les aurait distribuées comme récompenses lors des jeux.

En Grèce, la couronne est d'abord un attribut de la divinité ; Homère couronne le ciel, l'armée, mais aucun individu. On dit que c'est Liber Pater qui, le premier de tous, pose sur sa tête une couronne de lierre. La couronne orne ensuite la tête des prêtres qui font des sacrifices en l'honneur des dieux, et celle des victimes elles-mêmes, des souverains et des hommes qui se sont distingués, soit aux jeux, soit dans la guerre. Les couronnes proviennent de l'arbre consacré à la divinité : le myrte pour Aphrodite ; l'olivier pour Athéna ; l'épi de blé pour Déméter ; la grenade pour Perséphone ; le laurier pour Apollon ; la vigne pour Dionysos ; le chêne pour Zeus.

Chez les Romains, la première couronne, une couronne d'épis attachée par des bandelettes, est celle que Romulus attribue aux frères arvales, les onze fils d'Acca Larentia. Elle est alors l'insigne de leur sacerdoce.

Plus communément, la couronne romaine est une récompense militaire : parmi les plus honorifiques, il y a les couronnes triomphale, obsidionale, civique, murale, vallaire, navale. Viennent ensuite la couronne de l'ovation, et la couronne d'olivier qu'on décerne non aux combattants mais à ceux qui procurent au vainqueur les honneurs du triomphe. La couronne triomphale est en or ; elle est accordée au général qui s'en pare le jour de son triomphe. Au début, elle est de laurier ; leurs serviteurs portent des couronnes d'olivier, car l'olivier est consacré à Minerve, déesse de la guerre. La couronne obsidionale est celle que présentent les assiégés au général qui les a délivrés ; elle est faite avec le gazon cueilli dans l'enceinte même de la ville qui a été victime du siège. Ainsi, lors de la deuxième guerre punique, Quintus Fabius Maximus, qui contraint les Carthaginois à lever le siège de Rome, se voit décerner par le sénat une couronne de gazon. On appelle couronne civique celle qu'un citoyen reçoit d'un autre citoyen auquel il a sauvé la vie dans un combat ; composée de feuilles de chêne (d'abord d'yeuse ou chêne vert), parce qu'autrefois l'homme se nourrissait de glands, elle est un témoignage de reconnaissance. Toutefois, il semble que la couronne civique ait été attribuée à celui qui, tout en sauvant un homme, a aussi tué un ennemi sans quitter son poste dans la bataille. Quoi qu'il en soit, la couronne civique est proposée à Cicéron, alors consul, pour avoir éventé la conjuration de Catilina ; Hostus Hostilius en est décoré par Romulus, pour être le premier entré dans Fidène. Le tribun militaire Siccius Dentatus (454 av. J.-C.) en reçoit quatorze ; Manlius Capitolinus, qui se distingue, en 390 av. J.-C., en sauvant le Capitole de l'assaut des Gaulois, en reçoit six ; quant à Scipion l'Africain, à qui elle est proposée lors de la deuxième guerre punique, en 218 av. J.-C., lorsqu'il sauve son père à la Trébie, il la refuse. La couronne murale est celle que le général décerne au soldat qui, le premier, après en avoir escaladé le rempart, pénètre dans la ville ennemie ; c'est pourquoi cette couronne est ornée de créneaux. La couronne vallaire (ou castrale, ou simplement de camp) est la récompense du soldat qui le premier est entré dans le camp ennemi en combattant ; elle représente un retranchement, une palissade. La couronne navale (ou rostrale) gratifie le soldat qui le premier, lors d'un combat sur mer, s'est élancé à l'abordage sur le vaisseau ennemi, les armes à la main ; elle est ornée de proues. Varron la reçoit de Pompée, et Agrippa d'Auguste après leur guerre contre des pirates. Les couronnes murale, vallaire et navale sont généralement en or. La couronne d'ovation, de myrte, ceint la tête des généraux qui entrent dans Rome avec les honneurs ; l'ovation se substitue au triomphe lorsque la guerre n'a pas été déclarée selon les règles habituelles, lorsque l'armée ennemie n'était pas au complet, lorsque les ennemis étaient indignes des armes de la République, tels les pirates ou les esclaves ; ou bien encore lorsque les ennemis se rendent sans combattre, autrement dit lorsque la victoire a eu lieu sans effusion de sang. On pense alors qu'une branche de myrte, arbuste consacré à Vénus, suffit à récompenser une victoire si facile ; on rend hommage à la déesse des amours plutôt qu'au dieu des combats, Mars. Marcus Crassus, après sa guerre contre des esclaves fugitifs, méprise cette récompense et, par un sénatus-consulte, propose que lui soit décernée une couronne de laurier.

2. À propos de la Couronne placée parmi les astres, Hygin cite quatre hypothèses :

C’est celle qu’Ariane reçoit comme cadeau de noces de Dionysos, œuvre d’Aphrodite et des Heures, ou bien encore d’Héphaïstos. Le dieu l’aurait faite avec des pierreries si brillantes qu’elle aurait permis à Thésée de s’orienter dans le sombre Labyrinthe du Minotaure. Il se pose ici la question de la chronologie : la tradition la plus courante veut qu’Ariane soit séduite par Dionysos sur l’île de Naxos (Dia), après l’exploit de Thésée ; elle ne possède donc pas encore la couronne.

Comme Dionysos descend aux Enfers pour en ramener sa mère Sémélé, il s’aperçoit qu’il a emporté la couronne, don d’Aphrodite. Ne voulant pas la souiller par un contact avec le monde des ombres, il l’abandonne en chemin. Quand il retrouve sa mère, il place la couronne parmi les astres.

Lorsque Thésée relève le défi de Minos afin de prouver que son père est bien Poséidon (et non pas le mortel Égée), il ressort du fond de l’océan avec une couronne sur la tête, que lui a donnée Thétis, qu’elle-même a reçue d’Aphrodite.

Amphitrite fait don de cette couronne à Thésée ; lui-même l’offre à Ariane comme cadeau de noces. Dionysos la place au ciel après la mort d’Ariane.

Sur les couronnes

Après leur mort, le vainqueur et ses père et mère avaient le droit d'être couronnés pendant que le corps était exposé dans la maison, ou mené vers le lieu des funérailles. Au reste, les couronnes, même celles des jeux, ne se mettaient pas indifféremment en toute circonstance. Sur ce point, la sévérité était très grande. Le banquier L. Fulvius, au cours de la deuxième guerre punique, fut accusé d'avoir pendant le jour regardé le Forum du haut de son balcon, avec une couronne de roses sur la tête ; emprisonné sur l'ordre du sénat, il ne fut relâché qu'après la fin de la guerre. P. Munatius enleva à la statue de Marsyas une couronne de fleurs et la mit sur sa tête ; il fut condamné aux fers par les triumvirs ; il en appela aux tribuns du peuple, mais ceux-ci n'intercédèrent pas. Il en allait autrement à Athènes, où des jeunes gens en débauche, avant midi, entraient même dans les écoles des philosophes. Chez nous on ne trouve pas d'exemple d'une telle licence, hormis chez la fille du dieu Auguste : dans ses débauches nocturnes, elle couronna la statue de Marsyas, ainsi que le déplore la lettre de son divin père.

Pline

Triomphe et ovation

Quand il fut à Rome, ses ennemis s'opposèrent à son triomphe ; et lui-même, voyant qu'il avait laissé un reste de guerre en Sicile, et qu'un troisième triomphe exciterait l'envie, il consentit à n'avoir le grand triomphe que sur le mont Albain, et à recevoir dans Rome les honneurs du petit triomphe, que les Grecs appellent évan et les Romains ovation. Dans ce triomphe, le général n'est ni monté sur un char à quatre chevaux, ni couronné de laurier, ni précédé de trompettes ; il marche à pied, en pantoufles, accompagné de joueurs de flûte, et couronné de myrte, costume plus agréable que terrible, et qui est un symbole de paix. C'est une grande preuve, ce me semble, que les anciens avaient distingué ces deux triomphes moins par la grandeur des actions que par la manière dont elles étaient faites. Ceux qui avaient vaincu les ennemis en bataille rangée et en avaient fait un grand carnage obtenaient le premier triomphe, dont l'appareil était martial et terrible, où, comme dans la purification des armées, les hommes et les armes étaient couronnés de laurier. Mais les généraux qui, sans presque employer la force et par le seul pouvoir de la persuasion, par le seul charme de l'éloquence, avaient heureusement terminé leurs entreprises, la loi leur accordait cette seconde pompe qui, pacifique et civile, se célébrait surtout par des chants de joie : car la flûte est l'instrument de la paix, et le myrte est l'arbrisseau de Vénus, qui, plus qu'aucune autre divinité, a en horreur la violence et la guerre.

Ce second triomphe a été appelé ovation, non, comme bien des gens le croient, du mot évan, c'est-à-dire des cris et des chants qui l'accompagnaient, car ils ont également lieu dans le premier. Ce sont les Grecs qui ont rapporté ce mot à un nom qui leur est familier, parce qu'ils ont cru qu'une partie de cette pompe avait rapport à Bacchus, que nous appelons Évius et Triambus. Mais ce n'est point là sa véritable étymologie : dans le grand triomphe, les généraux ont de tout temps immolé un bœuf ; et dans le petit, ils ne sacrifient qu'une brebis, que les Romains appellent ovis, d'où ce triomphe a pris le nom d'ovation. À ce sujet, il est bon, de considérer la différence des motifs qui ont guidé le législateur de Sparte et celui de Rome dans l'institution des sacrifices. À Sparte, un général qui est venu à bout de ses desseins par persuasion ou par ruse immole un bœuf ; celui qui n'a vaincu que par la force des armes sacrifie un coq. Quelque belliqueux que fût ce peuple, il pensait que les succès qu'on obtenait par l'éloquence et la sagesse étaient plus glorieux et plus dignes de l'homme que ceux qui n'étaient dus qu'à la force et à la valeur.

Plutarque