Atlantide
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Île légendaire et mythique.
Selon la tradition, l'île de l'Atlantide est située à l'ouest des Colonnes d'Hercule et fait face au mont Atlas. Plus grande que la Libye et que l'Asie mises ensemble, elle est primitivement l'œuvre de Poséidon à qui elle a échu en partage lorsque les dieux ont divisé la terre en lots. Sur l'une des collines vivent Événor et Leucippe, et leur fille unique, Clito. Après la mort de ses parents, Clito s'unit à Poséidon. Le dieu fortifie la hauteur en créant des enceintes concentriques ; puis il fait jaillir des sources d'eau chaude et d'eau froide et rend la terre très fertile. Plus tard, il divise l'Atlantide en dix lots et en attribue un à chacun des enfants qu'il a de Clito. Les Atlantes, dont le premier roi est Atlas, poursuivent l'œuvre de leur père ; leurs enfants, et des enfants de leurs enfants, à leur tour, continuent d'embellir l'Atlantide ; l'aîné des enfants devient roi et transmet son pouvoir à l'aîné de ses fils. Dans l'île centrale, au milieu de l'Acropole, s'élève le temple de Poséidon et de Clito, ceint d'une clôture d'or et d'accès interdit.
Les rois y tiennent réunion régulièrement, tous les cinq ou six ans. Les affaires courantes et de justice sont alors évoquées. Un rituel précède chaque décision de justice : des taureaux sont lâchés dans l'enclos sacré de Poséidon. Armés de pieux en bois et de filets, les rois capturent un seul animal, celui que le dieu a bien voulu leur donner l'occasion de prendre. L'animal est ensuite égorgé au sommet d'une colonne, et son sang recueilli dans un cratère, dont chacun des rois s'asperge légèrement ensuite. Puis l'animal est brûlé. Comme ils versent ensuite le reste du sang dans les flammes, les rois font le serment de châtier quiconque violera les lois inscrites sur la colonne ; ce serment engage non seulement celui qui le prête, mais aussi sa descendance. La nuit venue, ils s'habillent de longues robes bleues et, assis, ils rendent la justice. Les sentences éventuelles sont gravées sur une table d'or. Parmi les lois que les rois doivent observer, figurent celle qui leur interdit de tuer ou d'attaquer l'un de leurs semblables ; et celle qui les astreint à porter secours à un membre d'une race royale.
L'Atlantide est une contrée merveilleuse, puissamment peuplée, dotée d'une végétation luxuriante, d'une faune traditionnelle, et dont le sous-sol renferme de l'or, du cuivre et du fer, mais aussi de l'orichalque, métal (?) dont on ignore la nature mais dont on sait qu'il est le plus précieux, après l'or. Les souverains de l'île, descendants d'Atlas, exploitent ces richesses naturelles, accroissent leur puissance et fondent des villes somptueuses, pleines de palais, qu'ils protègent par de hauts remparts. Longtemps les souverains de l'Atlantide ont écouté les lois divines et, vertueux, méprisant les biens sous lesquels ils croulent, ils se comportent avec dignité, pour la prospérité de l'île. Mais la flamme divine qui les guidait commence à faiblir : les rois sont maintenant méchants, orgueilleux, impies. C'est pourquoi Zeus, qui voit bien que cette race devient misérable, décide de lui appliquer un châtiment mérité : un cataclysme frappe l'île que l'océan engloutit en un jour et une nuit.
Nous connaissons la légende de l'Atlantide par deux œuvres de Platon, Critias et Timée. Le politique et poète Solon en aurait eu connaissance lors de son séjour en Égypte par la bouche même de prêtres. Les interprétations les plus fantasques se mettent à foisonner à propos de l'île, et il est probable que celle-ci est confondue avec les îles Canaries ou bien encore avec les Açores sur lesquelles couraient des histoires fabuleuses importées par les Phéniciens. Certains ont identifié l'Atlantide avec l'île grecque de Santorin, qui a laissé des trésors archéologiques, vestiges d'une civilisation riche minoenne. Cette île, partiellement engloutie par la mer à la suite d'une éruption volcanique, a connu un sort semblable à celui de l'Atlantide.
Diodore évoque, de façon idyllique, une île, au-delà des colonnes d'Héraclès, sans la nommer. Il pourrait bien s'agir de l'Atlantide. En voici la teneur : une île s'élève à l'ouest de l'Afrique, distante de cette partie du monde de plusieurs journées de navigation. Son terroir fertile est entrecoupé de montagnes et de vallées, et plusieurs fleuves navigables l'arrosent. Toutes sortes d'arbres, au feuillage persistant, irrigués par des sources d'eau douce, croissent dans ses nombreux jardins. Des sources d'eaux vives chantonnent dans les vallons : elles contribuent non seulement au plaisir des insulaires, mais encore à leur santé et à leur force. Les habitants respirent un air pur et tempéré et jouissent des biens que la campagne offre en abondance. La chasse ou la pêche leur fournit un nombre infini d'animaux différents qui ne leur laisse rien à désirer dans les festins, ni pour l'abondance, ni pour la délicatesse. Ils vivent dans des maisons de plaisance, toutes meublées avec magnificence et dont les parterres sont ornés de berceaux généreusement fleuris. En un mot, cette terre est si délicieuse qu'elle paraît plutôt le séjour des dieux que des hommes. Autrefois elle était inconnue à cause de son grand éloignement ; les Phéniciens furent les premiers à la découvrir.
Quoi qu'il en soit, l'Atlantide fait partie des lieux mythiques à l'image de l'Éden et des îles des Bienheureux, et mieux vaut sans doute pour l'esprit que cette contrée garde son mystère.