Énée

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».


1. Gendre de Priam, réfugié au Latium après la guerre de Troie.
Fils d'Anchise et de la déesse Aphrodite, Énée naît sur les bords du Simoïs, fleuve phrygien. Il est élevé dans la maison d'Alcathoos, entouré des nymphes et du Centaure Chiron.
Énée épouse Créüse, la fille de Priam, le roi de Troie. S'il est l'un des héros du siège de la célèbre citadelle, c'est presque par hasard, peut-on dire, qu'il y est mêlé. Il se joint aux Troyens lorsque Achille, après lui avoir dérobé son troupeau, le poursuit jusqu'à Lynerssos où il a trouvé refuge. Mais devant l'opiniâtreté du héros grec, avec l'aide de Zeus, Énée gagne Troie.
Il combat nombre de guerriers grecs, et ne doit parfois son salut qu'à l'intervention des dieux : Aphrodite le sauve des coups du terrible Diomède.
Héros troyen
Poséidon, en le rendant invisible derrière une nuée, l'arrache au même Diomède et à l'invincible Achille. Parfois, pour continuer à combattre, il doit bénéficier du soutien moral d'Apollon. Il est malgré tout un redoutable combattant qui met à mal nombre de guerriers grecs. S'il survit à la guerre, c'est, a-t-on pu imaginer, parce qu'il en veut profondément au roi Priam qui refuse de lui accorder la considération qu'il mérite.
Ainsi ce différend entre Énée et Priam, certains auteurs s'en sont servi pour faire du héros un traître à sa patrie ; c'est lui qui aurait livré la citadelle aux Achéens, avant de devenir lui-même un Achéen. Mais on dit aussi que les Grecs, après la prise de Troie, touchés de compassion pour les malheureux habitants, leurs captifs, font publier par un héraut, que tout citoyen libre peut emporter avec lui tel effet qu'il voudra choisir. Énée choisit, par préférence, ses dieux domestiques. Il s'en saisit, et déjà il se met en marche, lorsque les Grecs, admirant cet acte de piété, lui permettent de faire un second choix. Énée prend son père, vieillard accablé sous le poids des années, et le charge sur ses épaules. Tel est alors l'excès de l'admiration des Grecs, qu'ils laissent à Énée l'entière disposition de tout ce qui lui appartient. Hommage éclatant rendu à la piété ; preuve sensible que le respect pour les dieux et pour ceux de qui on a reçu le jour est capable d'amollir le cœur des plus cruels ennemis.
Homère ne fait aucune allusion à ce qu'entreprend Énée après l'incendie de Troie, même s'il lui prédit un grand avenir – avenir qu'il imaginait peut-être dans une Ilion toujours vaillante : la destinée d'Énée est de survivre, afin que la race de Dardanos ne périsse pas – Dardanos que Zeus a le plus aimé parmi tous les enfants que lui ont donnés les femmes mortelles. Le fils de Cronos est plein de haine pour la race de Priam. La force d'Énée commandera sur les Troyens, et les fils de ses fils régneront, et ceux qui naîtront dans les temps à venir.
Héros italien
On retrouve la même prophétie erronée dans l'Hymne homérique « À Aphrodite ». Après l'amour, Aphrodite ne déclare-t-elle pas à Anchise qu'il aura un fils qui régnera sur Troie ?
Les traditions postérieures mentionnent qu'Énée, après avoir rallié quelques compagnons, se serait retiré avec son père Anchise et son fils Ascagne en Macédoine, près du mont Olympe ; ou bien en Arcadie, près de Mantinée où il aurait fondé la petite ville de Capyes, ainsi nommée en souvenir de son aïeul, ou bien encore il aurait fondé la ville de Corfou (sur la côte dalmate). La tradition la plus connue veut qu'Énée et ses compagnons soient allés en Sicile, près d'Égeste, en emportant avec eux les objets sacrés, dont le Palladion d'Athéna. Énée occupe Éryx et Lilybée, et nomme les cours d'eau du territoire d'Égeste Scamandre et Simoïs. Puis, sur la foi d'un oracle, l'élu des dieux et ses compagnons gagnent le Latium. Allié du roi Latinus, dont il épouse la fille Lavinia, il combat les Rutules commandés par Turnus et secondés par l'armée tyrrhénienne de Mézence. Lors d'un affrontement particulièrement farouche près de Lavinium, Énée meurt ou disparaît, ce qui fait dire aux uns que les dieux l'ont ravi, aux autres que son corps a été emporté dans le fleuve où il s'est noyé. Quelque temps plus tard, il apparaît tout armé à son fils Ascagne, ce qui accrédite la croyance en son immortalité. Les Latins lui édifient un sanctuaire orné de cette inscription : « Au dieu père de cette terre, qui préside au cours du fleuve Numicius. »
Variante
Après la chute de Troie, Énée se rend avec son père en Italie. Il se montre tellement détestable à tout dévaster sur son passage, que Latinus et Turnus lui font la guerre. Lors de l'affrontement, Latinus perd la vie et Turnus doit se réfugier auprès de Mézence. Avec l'aide de ce dernier, Turnus affronte Énée une nouvelle fois. Tous deux périssent au combat ; on dit aussi qu'Énée disparaît soudainement sans laisser de traces. Ascagne, le fils d'Énée, poursuit les hostilités ; il tue Mézence lors d'un combat singulier.
Même si Ennius Quintus (239-169 av. J.-C.), auteur considéré comme le père de la littérature latine, rapporte les pérégrinations d'Énée dans ses Annales, c'est à Virgile, à l'Énéide, que nous devons de connaître le héros avec le maximum de précisions.
Voir aussi : Énéide
2. Roi d'Albe, fils de Silvius Postumus.
Ascendance d'Énée
Veux-tu [Achille] bien connaître ma race, célèbre parmi la multitude des hommes ? Zeus qui amasse les nuées engendra d'abord Dardanos, et celui-ci bâtit Dardanie. Et la sainte Ilion, citadelle des hommes, ne s'élevait point encore dans la plaine, et les peuples habitaient aux pieds de l'Ida où abondent les sources. Et Dardanos engendra le roi Érichthonios, qui fut le plus riche des hommes. Dans ses marécages paissaient trois mille juments frères de leurs poulains. Et Borée, sous la forme d'un cheval aux crins bleus, les aima et les couvrit comme elles paissaient, et elles firent douze poulines qui bondissaient dans les champs fertiles, courant sur la cime des épis sans les courber. Et quand elles bondissaient sur le large dos de la mer, elles couraient sur la cime des écumes blanches. Et Érichthonios engendra le roi des Troyens, Tros. Et Tros engendra trois fils irréprochables, Ilos, Assaraque et le divin Ganymède, qui fut le plus beau des hommes mortels, et que les dieux enlevèrent à cause de sa beauté, afin qu'il fût l'échanson de Zeus et qu'il habitât parmi les Immortels. Et Ilos engendra l'illustre Laomédon, et Laomédon engendra Tithon, Priam, Lampos, Clytios et Hicétaon, nourrisson d'Arès. Mais Assaraque engendra Capys, qui engendra Anchise, et Anchise m'a engendré, comme Priam a engendré le divin Hector. Je me glorifie de ce sang et de cette race.
Homère



