violon

Violon
Violon

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Instrument de musique à cordes frottées, tenu sous le menton et joué avec un archet, et considéré, aussi bien dans l'orchestre qu'en solo, comme le roi des instruments.

Les origines

Si le violon connaît, au cours des siècles, une grande floraison d'écrits musicologiques, scientifiques et littéraires, ses origines n'en restent pas moins assez obscures. En effet, il existe souvent une confusion entre les termes vièle, viole, violon, et il est difficile, d'un point de vue organologique, de situer exactement la date de fabrication du premier violon. Sous le rapport de la forme, celui que nous connaissons aujourd'hui a peu évolué depuis le xvie siècle ; son nom apparaît d'ailleurs pour la première fois sous François Ier dans les comptes des Menus Plaisirs du roi, en 1529.

Le violon aurait pour ancêtre la cithare, faite d'une caisse de résonance percée d'ouïes, d'un manche et d'un système de chevilles. L'apparition de l'archet provoque au Moyen Âge la naissance d'un grand nombre d'instruments à cordes frottées, ce qui en complique les origines : rebecs, gigues, rotes, lyres et, en particulier, vièles à archet qui se rapprochent davantage de notre violon, par leur facture et la façon d'être posés sur ou contre l'épaule pour en jouer. Au xvie siècle, la vièle est désignée sous le nom de viole de bras, en opposition à la viole de gambe, dont la facture est d'ailleurs différente. À cette époque déjà, les familles des violes et des violons coexistent. Ceux-ci sont plutôt réservés à l'accompagnement des danses en plein air, tandis que les violes, à la sonorité beaucoup plus douce, restent l'instrument noble par excellence. En 1592, Zacconi, dans Prattica di musica, présente la famille des six violes avec leur accord. On peut y voir la parenté des deux instruments : la plus petite viole, ou dessus, s'accorde déjà comme notre violon, sur sol-ré-la-mi. Le grand succès de la viole, à la Renaissance, a sans doute contribué à retarder l'apparition du violon dans une musique plus « élaborée », reléguant celui-ci au rang de vulgaire instrument. Les écrits de cette époque l'attestent : peu de théoriciens sont favorables au violon, d'autres n'en parlent pas. Cependant, même s'il n'est pas toujours bienvenu, on voit son importance grandir en lisant l'Épitomé musical des tons, sons et accordz de Philibert Jambe-de-Fer, en 1556 : « Le violon est fort contraire à la viole (…). Nous appelons viole c'elles desquelles les gentils hommes marchantz et autres gens de vertuz passent leur temps. (…) L'autre s'appelle violon et c'est celuy duquel on use en dancerie communément et à bonne cause » ; ou encore Mersenne dans l'Harmonie universelle, en 1636, qui nous dit n'avoir « jamais rien ouï de plus ravissant on de plus puissant », et en 1680, Furetière, dans son dictionnaire, le désigne comme « Roy des instruments ».

Luthier, A. Stradivarius, en perfectionne les dimensions, les vernis, mais la forme générale et les principes acoustiques de l'instrument ne changent guère.

Histoire de la lutherie

Le premier grand nom attaché à la lutherie du violon est celui de la famille des Tieffenbrucker, nom déformé par le français en « Duiffoprugcar », dont le plus célèbre représentant, Gaspard, s'établit à Lyon en 1553. Il ne reste de lui que de fort belles violes, mais point de violon. Peu après, deux écoles naissent presque simultanément en Italie : Brescia et Crémone. À Brescia, deux noms importants s'affirment : Gasparo Bertolotti, ou « Da Salo », et Paulo Maggini, dont les altos en particulier sont considérés comme les meilleurs. À Crémone se trouvent les plus illustres écoles de lutherie : celle d'un Andrea Amati, de ses fils et surtout petit-fils, Nicola, dont la production au xviiie siècle est aussi prisée que celle de Stradivarius. Cependant, la sonorité douce de ses violons les fait reculer au second plan lorsque les musiciens désirent des instruments plus sonores. Antonio Stradivarius (1644-1737) fut son élève : la lutherie atteint alors son apogée. Plusieurs périodes correspondent aux recherches du maître : des « longuets », vers 1690, il revient à un modèle plus court vers 1700. Il fixe les proportions définitives du violon, et, par la qualité de son vernis, le fini de son exécution, en fait le modèle encore inégalé aujourd'hui. D'autres noms illustres vont faire de l'Italie le centre international du violon aux xviie et xviiie siècles : les Guarnerii, les Ruggeri, les Gagliano, les Guadanini… Toutes les autres écoles, austro-allemande (Stainer et l'école de Mittenwald dans le Tyrol), française (Lambert, Renaudin, Vuillaume, puis l'école de Mirecourt) dépendent du modèle italien.

La facture

Dans sa structure générale, le violon apparaît comme un instrument relativement simple : une caisse de résonance, un manche, quatre cordes et quelques accessoires. Ce n'est cependant qu'une apparente simplicité, puisque le violon est un assemblage d'environ quatre-vingts pièces. Observons le détail et la fonction précise des plus importantes d'entre elles.

La caisse de résonance se compose d'une table d'harmonie, voûtée, en sapin à fibres parallèles, percée par des ouïes (dont la place doit être exactement déterminée, car elles permettent, pense-t-on, une augmentation des vibrations de la table, donc une meilleure sonorité) ; d'un fond bombé en érable appelé à petites ondes (souvent en deux parties) ; et de parois latérales, les éclisses, d'environ trois centimètres de hauteur, reliant la table au fond. Les deux tables sont voûtées, car elles doivent résister à la pression des cordes. Au milieu de ces deux tables, une échancrure en forme de C est pratiquée pour le passage de l'archet sur les cordes extrêmes sol et mi. À cette étape du travail, le violon n'aurait qu'une faible sonorité si deux pièces primordiales n'étaient pas placées : la barre d'harmonie et l'âme. La barre d'harmonie, en sapin, est collée dans la longueur de la table d'harmonie (environ les deux tiers) non pas dans l'axe médian, mais décalée vers la gauche (sous le pied gauche du chevalet). Elle mesure environ un centimètre à sa plus grosse épaisseur et s'affine vers les extrémités. Elle a deux fonctions : empêcher l'affaissement de la voûte et renforcer la sonorité des notes graves de l'instrument. L'âme, petite pièce cylindrique en sapin d'environ cinq millimètres de diamètre, est mise sans être collée entre la table et le fond, à peu près sous le pied droit du chevalet. Les bouts sont taillés en biais pour s'adapter à la courbure de la table et du fond. Elle retient la table d'harmonie qui pourrait plier sous la pression des cordes et favorise la sonorité aiguë de l'instrument. Pour la finition et l'ornementation de la caisse de résonance, on incruste les filets, souvent en alisier, parfois en ébène, aux bords des deux tables. Cependant, certains luthiers s'accordent à leur donner une importance toute fonctionnelle : ils seraient alors un pourtour consolidant la table, limitant mieux le champ vibratoire. Le manche, en érable, d'une seule pièce, se termine par le chevillier maintenant les quatre chevilles sur lesquelles s'enroulent les cordes. Le chevillier est surmonté d'une volute sculptée d'une manière plus ou moins artistique selon les époques. Un sillet d'ébène sert de point d'appui aux quatre cordes entre le chevillier et la touche. Cette dernière, en ébène aussi, est collée sur le manche jusqu'à la caisse de résonance, puis évidée au-dessus de la table. Les cordes sont attachées à une extrémité aux chevilles, et, à l'autre, au cordier, pièce triangulaire en ébène, elle-même attachée à la caisse par l'intermédiaire d'un gros morceau de corde en boyau et d'un bouton enfoncé dans l'éclisse. Le chevalet, sculpté dans l'érable, mesure environ trois centimètres de hauteur, quatre millimètres d'épaisseur aux pieds et deux millimètres à sa partie supérieure. Il se place à égale distance des deux ouïes et dans leur axe médian, qui passe exactement à l'endroit où le luthier creuse deux petites encoches. Le chevalet doit rester perpendiculaire à la table, et joue un rôle important dans la sonorité de l'instrument, car il transmet les vibrations des cordes à la table d'harmonie. Si sa place est mauvaise, sa courbure mal calculée ou son calibre trop épais, la sonorité s'en ressent fortement.

L'accord du violon se fait de quinte en quinte, donnant du grave à l'aigu : sol-ré-la (diapason) –mi. Les cordes sont en boyau de mouton, renforcé par un filetage depuis le xixe siècle. Le mi, ou chanterelle, plus tendu donc plus fragile, se fait en métal depuis le début du siècle. Leur tension est d'environ trente kilogrammes ; elles exercent une pression d'environ 12 kilogrammes sur le chevalet.

La dernière opération d'un luthier consiste à appliquer son vernis. Le public le croit souvent essentiel pour obtenir la meilleure qualité sonore possible. De là, la légende du mystérieux vernis de Crémone ! Il s'agit, en fait, d'une simple protection. Un mauvais vernis, certes, trop gras ou trop sec, peut influer sur la sonorité, car il s'infiltre dans les fibres du bois et empêche alors les vibrations. Mais un violon bien fait possède toute sa puissance à l'état « brut ». Les vernis sont en général composés d'alcool, d'huile de lin, d'essence de térébenthine ou de romarin, laissés à oxyder à l'air libre et teintés par du benjoin, du sandragon ou d'autres coloris.

Pour achever l'instrument, une mentonnière est fixée sur le bord gauche du violon. Celle-ci permet à l'instrumentiste de tenir l'instrument plus commodément et de ne pas empêcher la table de vibrer au contact du menton. Pour la même raison pratique, les violonistes accrochent sur le fond un coussin pour obtenir une position plus confortable.

L'archet se compose de deux éléments : la baguette et la mèche. La baguette est faite en bois de Pernambouc (Brésil) ; cambrée à chaud, elle s'affine vers l'extrémité. Son poids peut aller de 60 à 68 grammes environ. La mèche, en crin de cheval, est attachée d'une part au talon, ou « hausse » ­ dans laquelle une vis permet une tension plus ou moins forte des crins ­ et d'autre part à la pointe. La collophane, simple résine, s'applique sur les crins pour qu'ils adhèrent aux cordes. Très longtemps, l'archet est resté convexe, sous la forme d'un arc. L'instrumentiste en réglait la mèche par la pression des doigts, ou par un système de crémaillère. L'archet évolue lorsque le violoniste ne se satisfait plus d'un matériel aussi peu maniable. Tourte, vers 1750, en fait un modèle parfait, incurvant la cambrure dans l'autre sens, et remplaçant la crémaillère par une vis.

Le bois étant l'élément essentiel du violon, il paraît indispensable de rappeler l'origine et l'utilisation précises de ce matériau. Pour le luthier, le choix de ses bois et les traitements qu'il leur fait subir constituent la partie la plus importante de son travail. Il choisit pour la table, la barre et l'âme, un sapin dit « épicéa », plus sonore que les autres variétés. Pour remplir les meilleures conditions possibles, l'arbre doit pousser en terrain sec et rocailleux et ne pas être fendillé. Adulte, on le coupe à l'arrière-saison, juste avant les gelées. Du tronc, on débite des morceaux de 50 centimètres sans nœuds. Ensuite, sous forme de planchettes, on entrepose le futur violon dans un endroit aéré pour le laisser sécher cinq à quinze ans, ou plus. Aujourd'hui pour les fabriques industrielles, les nœuds sont soigneusement camouflés sous les vernis, et le séchage est effectué au four en quelques heures. Le luthier choisit ensuite pour les éclisses, le manche, la tête et le chevalet, l'érable, bois plus résistant et plus élastique que l'épicéa. Les meilleurs arbres viennent de Suisse. Ils subissent les mêmes traitements que les bois précédents. Les coins, les tasseaux et les contre-éclisses (à l'intérieur de la caisse) sont en aulne, les chevilles en buis ou en cormier. Le luthier, ensuite, découpe, dégrossit, aplanit, met en voûte à la main avec l'aide de ciseaux, de rabots, de papiers de verre. Lui seul sait arrêter la gouge à l'épaisseur voulue. Selon la régularité de la table et du fond, un violon peut avoir des sons étouffés ou peut tout simplement casser sous la pression du chevalet. Si l'on attache tant d'importance au matériau lui-même, c'est qu'il joue un rôle prépondérant dans la sonorité.

Les principes acoustiques du violon sont trop complexes pour que l'on en fasse le détail ici. Voici en quelques mots comment le son évolue : lorsque l'archet frotte la corde, la vibration est transmise au sommet du chevalet, puis dans les deux pieds. C'est ici que l'élasticité du bois joue son rôle : le pied communique par une légère pression la vibration à la table, puis à la barre et à l'âme, qui, elles-mêmes, répercutent cette vibration aux éclisses, puis au fond. On voit donc que cette simple caisse de bois, véritable terrain mouvant, est susceptible de faire circuler et d'amplifier les vibrations. Chaque pièce de l'instrument a son importance et son rôle à jouer.

Le jeu du violon

Il reste maintenant au violoniste à montrer les moyens techniques employés sur son instrument. Depuis le xvie siècle, la position du violon a évolué : d'abord tenu contre la poitrine, il est appuyé plus tard contre le cou, entre la clavicule et le menton ; il faut attendre le xviiie siècle pour que le violon trouve cette position. Tartini, grand virtuose de ce siècle, fixe la mentonnière à droite du cordier, et Spohr propose encore, en 1832, de la mettre au milieu. Baillot, le grand pédagogue français du xixe siècle, mettra fin aux querelles dans son Art du violon, en 1834, établissant la position définitive de l'instrument.

La technique du violon, fondée sur la vélocité, le brillant, mais aussi la variété des couleurs, des intonations, du phrasé, se partage en deux parties très distinctes : celle de la main gauche, et celle de l'archet à la main droite. La technique de la main gauche est basée sur l'agilité des doigts et la justesse des intonations que l'on travaille au moyen de gammes et d'arpèges. Aujourd'hui, toute l'étendue du manche et de la touche est utilisée, grâce au système des positions et des démanchés. La main gauche, appuyant les cordes à la base de la touche, vers la volute, est dite « en première position » ; si elle se rapproche de la caisse du violon pour donner des sons plus aigus, elle atteint les troisième, quatrième, cinquième positions, ce que le violoniste appelle « monter en position ». Le démanché permet de passer d'une position à l'autre en glissant sur un doigt ; tout l'art consiste à bien savoir doser ce glissando. Mais il n'en a pas toujours été ainsi, surtout en France, lorsque le violon servait encore d'instrument de danse. La tessiture était alors très limitée. Les Italiens, les premiers, étendent rapidement le jeu de la main gauche, et l'on cite souvent l'exemple de Locatelli, en 1723, qui monte jusqu'à la treizième et quatorzième position. Paganini, le célèbre virtuose du xixe siècle, ne les dépassera pas, celles-ci se trouvant à l'extrémité de la touche. On sait, cependant, que, dès le xviie siècle, les instrumentistes comblaient les passages de cadence par des exercices de virtuosité. Vivaldi le faisait très couramment dans ses concertos. La vélocité de la main gauche peut aussi s'exprimer par la polyphonie, c'est-à-dire, par l'utilisation des doubles cordes et des accords. On use très tôt de ce procédé. Mersenne en parle dans son Traité en 1636. Jean-Sébastien Bach portera cette technique de la main gauche à son plus haut degré de perfection dans ses sonates et partitas pour violon seul. Quelques procédés encore, moins usités mais intéressants, sont à signaler : les sons harmoniques et les pizzicati à la main gauche. Les harmoniques produisent un son très flûté et doux, le doigt se posant seulement sur la corde pour l'effleurer, à certaines distances du sillet. Ils sont naturels ou artificiels. Les « pizz » main gauche restent assez rares et relèvent plutôt d'un artifice que d'une technique courante. Paganini en utilise souvent dans ses Caprices ou ses concertos. Malgré tout cet aspect technique que revêt la main gauche, son rôle reste principalement expressif par la bonne utilisation du démanché et du vibrato. Le vibrato, oscillation régulière du doigt sur une corde, donne une sonorité plus chaude et plus vivante, la rapprochant de la voix humaine. Il doit « ravir les oreilles et l'âme », dit Mersenne. C'est en partie par ces deux moyens expressifs que se révèle la personnalité de l'interprète.

L'archet détient aussi un pouvoir expressif par l'utilisation d'un phrasé intelligent, sensible, et surtout par la variété de ses moyens d'action. On le tient entre le pouce, sous la baguette, et le majeur, sur la hausse. Ces deux doigts face à face, forment un anneau autour duquel se disposent les autres doigts. On distingue trois coups d'archet principaux.

« À la corde », du talon à la pointe, l'archet reste sur la corde. On peut alors varier les dynamiques, de pianissimo à fortissimo, ou le contraire. Dans un même coup d'archet, deux à plusieurs notes peuvent être englobées : il s'agit du legato.

Les coups d'archet toujours à la corde, mais rapides, donnent le grand détaché, le détaché bref, le martelé du talon ou de la pointe, et, enfin, le staccato dans lequel les notes brèves, séparées par de très courts silences, se jouent dans un même mouvement de l'archet.

Enfin les coups d'archet où celui-ci doit quitter la corde pour rebondir grâce à l'élasticité de la baguette et la tension de la mèche : le sautillé, le staccato « volant », le spiccato. La main droite permet aussi d'autres effets comme les pizzicati qui imitent luths et guitares, cette fois plus aisés à exécuter que ceux de la main gauche. En 1626, Monteverdi les utilise dans le Combat de Tancrède et Clorinde.

La musique du violon

Au xvie siècle, si la forme définitive du violon est déjà fixée, le répertoire reste encore bien pauvre. Les luths et les violes ont la préférence des princes et des gens fortunés. Relégué parmi les instruments de danses et de chansons à boire, il est donc principalement joué en plein air comme le montre, en 1529, les Six Violons de François Ier. Il faut seulement retenir, aux tout débuts de l'implantation du violon en France, le nom de Baltazar de Belgioso, Italien qui fait partie des Violons du roi en 1580. Aucune indication ne subsiste sur son jeu ou sa technique violonistique. Cependant l'instrument semble ne plus être celui d'un ménestrel ou d'un domestique, mais celui d'une personnalité musicale. De même que l'instrument sort d'ateliers italiens, les premières pièces du répertoire viennent de compositeurs italiens. Monteverdi dans Orfeo, en 1607, fait déjà usage du violon, et, la même année, Salomone Rossi publie un recueil de sonates. D'autres Italiens, comme Marini, Fontana, Bassini, Vitali, confirment peu à peu, au cours du xviie siècle, l'importance que prend le violon dans la musique instrumentale. Zanetti écrit d'ailleurs, en 1645, une méthode de violon, la plus ancienne que l'on connaisse.

Dans la seconde moitié du xviie siècle, d'autres écoles vont éclore en Europe. En Allemagne, en particulier, une école de virtuoses se développe avec Kerll, Walter ­ dont les scherzos pour violon seul et l'Hortulus chelicus font montre de virtuosité parfois fort fantaisiste ­, Schmelzer qui fait imprimer ses premières sonates pour violon et basse en 1664.

En France, après Belgioso, devenu Beaujoyeulx, et grâce à Lully, le violon entre dans le domaine de l'expression et quitte peu à peu celui du simple divertissement. Mersenne nous dit, en 1636, qu'« il peut apporter la tristesse comme le fait le luth et animer comme la trompette, et que ceux qui le savent toucher en perfection, peuvent représenter tout ce qui leur tombe en imagination ». Lully accroît le répertoire du violon par des suites de danses qui font pressentir le futur concerto. Il organise aussi l'orchestre à cordes avec sa fameuse « bande des petits violons », créée en 1656.

À cette époque, les suites de danses s'organisent selon une unité tonale, un schéma plus structuré avec une alternance lent-vif-lent. À l'orée du xviiie siècle, deux formes naissent, la sonate et le concerto, dont l'influence et la rapide propagation sont favorisées par l'intérêt que l'on porte au violon. Une fois de plus l'Italie est au premier plan. La sonate intitulée « à trois », car elle comprend deux violons et une basse (à laquelle on ajoute un continuo au clavecin), et le concerto sont illustrés par Corelli (6 recueils de sonates et 12 concerti grossi) et surtout par Vivaldi. Si le premier ne s'est pas dirigé vers la virtuosité, mais plutôt vers la mélodie noble et expressive, le second renoue volontiers avec la musique descriptive et la vélocité. Les Quatre Saisons en sont un parfait exemple. Le concerto évolue tout au long du xviiie siècle, parallèlement à la sonate, et offre aux violonistes italiens l'occasion de faire valoir leur virtuosité : Albinoni, Vitali, Geminiani, Locatelli, Pugnani, Tartini (avec ses fameux « trilles du diable ») ont largement contribué à l'essor du violon par l'élargissement de la tessiture, et par l'établissement d'une solide technique d'archet. Leur influence se fait encore sentir à travers toute l'Europe : nombre d'entre eux séjournent en Allemagne et, en échange, de jeunes solistes allemands sont envoyés dans la péninsule, afin de parfaire leur technique. Tels Pisendel, son élève Graun, Cannabich, auteur de nombreuses sonates et concertos, Haendel et Telemann. Jean-Sébastien Bach, lui-même violoniste à la cour de Weimar, ajoute au répertoire ­ en dehors de ses sonates et partitas pour violon seul ­ 6 sonates avec clavecin et 3 concertos. L'aspect pédagogique du violon est illustré par la méthode de L. Mozart, Versuch einer gründlichen Violinschule, en 1756, véritable mine de renseignements sur la technique, les façons d'ornementer et d'interpréter.

L'importance considérable de l'école de Mannheim, dans la seconde moitié du xviiie siècle, ne peut être passée sous silence. Les Stamitz, grande famille de violonistes, mettent alors tout leur art à l'élaboration de l'orchestre à cordes, faisant du violon et de sa famille la base de l'orchestre. Cela correspond peut-être à un certain renouvellement de la conception du violon par un jeu typique d'orchestre, caractérisé par la précision des nuances, la netteté des attaques en groupe, et les oppositions de timbre entre violons et instruments à vent : c'est la naissance de l'esprit symphonique, dans lequel le timbre du violon n'est plus conçu en solo, mais en masse.

W. A. Mozart ajoute à ses 5 concertos, à la Symphonie concertante et à ses 30 sonates des œuvres importantes pour le violon dans sa nouvelle conception « mannheimiste », comme ses divertimentos pour cordes, ses sérénades et surtout ses symphonies. D'autre part, on peut remarquer que, à partir de cette époque, hormis Mozart, les compositeurs ne sont plus des violonistes mais des pianistes. Cela s'accentuera encore au xixe siècle.

En France, les virtuoses italiens jouissent de la faveur d'une grande partie du public et inspirent les compositeurs. Corelli avait mis la sonate à la mode, et c'est sur ce modèle que le claveciniste F. Couperin ­ en se donnant d'ailleurs le nom de « Coperuni » ­ écrit ses premières sonates à trois en 1692.

Un trop grand nombre de musiciens français s'illustrent dans le répertoire du violon pour qu'il soit possible d'en parler ici. Citons seulement les plus grands : Francœur, dont les sonates se rapprochent fort de leurs homologues italiennes ; Aubert, connu pour ses dix concertos de soliste ; J.-M. Leclair possède un style plus personnel et hausse l'école française au niveau de sa rivale italienne. Son œuvre pour violon est considérable et la virtuosité n'y est jamais gratuite ; l'écriture, plus concise, donne toute l'importance à la partie soliste. Dans la même école, on peut citer Mondonville, spécialiste des sons harmoniques, et Guillemain.

Après 1750, la période du préromantisme est dominée par Gaviniès, dont les aptitudes pédagogiques sont encore incontestées avec ses Matinées. À la même époque, les violonistes étrangers s'illustrent au Concert spirituel : Viotti y est une révélation en 1782. Ses 29 concertos et 51 duos sont devenus des classiques du répertoire. C'est aussi l'époque de Rode, Baillot et Kreutzer, grands pédagogues, dont les œuvres sont toujours travaillées dans les conservatoires.

À la fin du xviiie siècle, le violon devient le roi des instruments. Il n'y a pas de soirées au Concert spirituel sans nouveaux concertos ; aristocrates et bourgeois possèdent un orchestre ou jouent eux-mêmes du violon. Peu à peu, l'école italienne cède la place à une école française, vivace d'ailleurs depuis Leclair.

Si, au xixe siècle, la fulgurante technique de Paganini suscite un enthousiasme unanime, ses célèbres Caprices et concertos n'exercent pas beaucoup d'influence dans une Italie alors tournée vers l'opéra. En Allemagne, quelques grandes œuvres pour violon marquent le siècle du romantisme : les concertos et les sonates de Beethoven, Mendelssohn, puis Brahms, à qui l'on doit aussi le double concerto pour violon et violoncelle, comptent parmi les plus beaux ouvrages écrits pour l'instrument. Deux grands violonistes ont contribué à les faire connaître : Spohr et Joachim. En France, l'influence des pédagogues favorise la naissance d'une école franco-belge, illustrée par les grands violonistes Massart et Vieuxtemps.

La fin du siècle et le début de notre époque voient fleurir une multitude d'œuvres françaises, avec les concertos de Saint-Saëns, de Lalo, les sonates de Fauré, Franck, Lekeu, d'Indy, le Concert et le Poème de Chausson. Au début du xxe siècle, des partitions remarquables sont offertes par Roussel, Debussy, Honegger, Ravel. Ce dernier ajoute au répertoire une œuvre magistrale, influencée par la technique des violonistes d'Europe centrale : Tzigane (1924). Milhaud, Poulenc, Jolivet et bien d'autres encore, élargissent par leurs œuvres diverses le répertoire contemporain du violon.

En Allemagne, il faut retenir le nom de Hindemith qui fait montre d'une parfaite connaissance de l'instrument. L'Europe centrale révèle aussi des personnalités tout à fait remarquables, qui enrichissent la musique du violon par des recherches esthétiques nouvelles : le Hongrois Bartók, les Autrichiens Schönberg et Berg, le Tchèque Martinů. Il ne faut pas omettre les compositeurs de pays plus lointains comme les Russes Tchaïkovski, Prokofiev, Khatchatourian et Chostakovitch, le Norvégien Grieg ou le Finlandais Sibelius, dont le concerto fait partie des plus redoutables ouvrages pour le violon.

Le regain d'intérêt pour l'instrument, au cours de ce xxe siècle, fait découvrir un aspect tout nouveau du violon par des effets techniques, par l'inspiration de certains compositeurs pour des musiques moins conventionnelles comme le jazz (sonate de Ravel), et par son insertion même dans la variété avec Grappelli. D'autre part, de grands solistes tels Milstein, Heifetz, Stern, Menuhin, Szering, Ferras, Perlmann donnent l'occasion d'entendre et de découvrir ce vaste répertoire de l'instrument. L'intérêt que porte le public aux concerts symphoniques, l'engouement pour les nombreux enregistrements de ces solistes, enfin l'envie de pratiquer lui-même un instrument réputé difficile, assurent pour longtemps encore le succès du « Roy des instruments ».

Felix Mendelssohn-Bartholdy, Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64 (1er mouvement, allegro)
Felix Mendelssohn-Bartholdy, Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64 (1er mouvement, allegro)
Ludwig van Beethoven, Concerto pour violon en ré majeur, op. 61 (3e mouvement, rondo)
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