querelle des gluckistes et des piccinnistes

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Elle se déroula pour l'essentiel à Paris, entre 1776 et 1779, et opposa moins les compositeurs Gluck et Piccinni que leurs partisans respectifs, et ce pour des motifs où la musique ne fut pas seule en cause. En 1776, Gluck, qui avait déjà donné à Paris en 1774 Iphigénie en Aulide (sur un livret de Du Roullet) et la version française d'Alceste, travaillait à Vienne à Roland et à Armide. Il apprit alors que l'administration de l'Opéra avait proposé le premier de ces deux sujets à Piccinni, arrivé à Paris (venant de Naples) le 31 décembre 1776 : d'où une longue lettre de Gluck à Du Roullet, dans laquelle il déclara renoncer à Roland tout en vantant par avance son Armide. L'Armide de Gluck fut représentée à Paris le 23 septembre 1777, le Roland de Piccinni le 27 janvier 1778. L'un et l'autre travaillèrent ensuite à une Iphigénie en Tauride : celle de Gluck fut donnée à Paris le 18 mai 1779, celle de Piccinni en 1781 seulement, alors que Gluck avait pris sa retraite à Vienne.

À la base de cette succession d'œuvres, le fait que les trois premiers opéras français de Gluck avaient partagé Paris en deux clans, les adversaires de Gluck, avec, à leur tête, La Harpe, Marmontel et d'Alembert, lui reprochant à la fois son origine étrangère (sans voir qu'il poursuivait dans une certaine mesure la tradition de Lully et de Rameau) et de s'être trop écarté de l'idéal italien. Piccinni, quand on fit appel à lui, se trouvait au sommet de sa gloire. Il ne se rendit d'ailleurs pas compte du rôle qu'on souhaitait lui faire jouer. L'entreprise, et c'est l'essentiel, se trouvait faussée au départ. Loin d'opposer à Gluck, en la personne de Piccinni, un représentant typique de l'ancien opéra italien, et donc d'essayer de prouver que l'opera seria n'avait pas été détrôné par les « réformes » de l'auteur d'Alceste, on le fit travailler, lui aussi, sur un livret français (Roland), dans une langue qu'il savait à peine. Le succès d'Armide dépassa nettement celui de Roland. Avec Iphigénie en Tauride, Gluck obtint son plus grand triomphe. Piccinni parvint à s'imposer, mais avec un de ses anciens opéras bouffes, La buona figliola (1760), et non avec sa propre Iphigénie en Tauride. La bataille entre l'opéra « dramatique » (Gluck) et l'opéra « musical » (Piccinni) ne fut donc pas livrée. Et c'est Mozart qui, sur ces entrefaites, sans proclamations ni manifestes, devait montrer comment la transcender.