improvisation

(de l'ital. improvviso, « imprévu »)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Fait d'exécuter une musique au fur et à mesure qu'on l'invente. À notre époque, la notion d'improvisation ne semble guère s'appliquer qu'au jazz ou à certains exercices des organistes, tant notre civilisation musicale est assujettie au respect absolu de la partition écrite. Mais c'est oublier que la notation musicale perfectionnée que nous connaissons est relativement récente et limitée à la musique européenne.L'improvisation apparaît comme l'une des principales manifestations de la création musicale. L'improvisation totale d'une pièce est certainement plus rare que celle qui intervient sur des schémas préconçus. C'est le cas, par exemple, de certaines mélodies religieuses des premiers siècles du christianisme, des alleluia notamment. C'est aussi le cas des pièces de clavier construites à partir d'un thème (variations) ou d'un sujet donné (fugue, sonate, fantaisie, toccata, etc.). Bach et Mozart furent des improvisateurs célèbres, ainsi que, plus tard, Beethoven et Liszt. Le genre reste pratiqué de nos jours par les organistes qui étudient l'improvisation, et, donc, l'harmonie, la fugue et le contrepoint, puisque, même libre, l'improvisation doit répondre à un schéma formel qui se développe mentalement immédiatement avant l'exécution. Aussi cette matière a-t-elle fait l'objet de nombreux traités et s'enseigne-t-elle encore dans les conservatoires.

L'improvisation se développe plus généralement sur des schémas préexistants. Ainsi, dans la polyphonie médiévale et dès le xiiie siècle, certaines voix devaient être improvisées en contrepoint par rapport à une mélodie donnée ou à d'autres voix normalement écrites, selon des règles très strictes. Aux xviie et xviiie siècles, dans la musique instrumentale, surtout celle du violon, et dans les mouvements lents, il fut de règle que l'interprète enrichisse la trame mélodique de base, seule à figurer sur la partition : agréments, variantes, ornements (Corelli, Vivaldi, Marcello, etc). Cette pratique demeura jusqu'à la fin du xviiie siècle dans les cadences des concertos. Ce n'est qu'à partir de Beethoven que la cadence fut désormais écrite par le compositeur. Il en alla de même dans la musique vocale à l'époque du bel canto, particulièrement dans les reprises des airs à da capo. À la même période, toujours, un domaine privilégié de l'improvisation fut la réalisation de la basse continue, chiffrée ou non. Seule la basse était donnée, les autres parties étant laissées à la libre imagination de l'exécutant (clavecin, orgue, théorbe).

Ces bases générales de l'improvisation ne varient pas fondamentalement dans les expressions musicales d'autres sociétés. Ainsi, dans le jazz, l'improvisation est-elle commandée par la structure du thème traité, par la mélodie et par sa trame harmonique. Le soliste peut paraphraser le thème ; il peut aussi improviser sans contrainte mélodique sur des harmonies du thème. Certains thèmes, d'ailleurs, ne comportent qu'une séquence harmonique : par exemple, « jouer le blues » (improviser dans les limites de sa forme de douze mesures, sans autre donnée préexistante). Dans le free jazz, les musiciens sont, à tout moment, responsables individuellement et collectivement de la moindre note jouée.

L'improvisation est bien l'une des principales activités de la pratique musicale. Les exemples cités ici ont montré combien l'improvisation dépendait de règles strictes, donc d'un code et d'une pensée musicale préexistants. On ne saurait pour autant négliger l'aspect aléatoire et expérimental que présente toute improvisation, les essais qu'elle permet d'accomplir. En ce sens, l'improvisation est probablement l'un des moteurs essentiels de l'évolution de la musique vers des horizons nouveaux.