ethos

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Mot grec difficilement traduisible impliquant le « caractère » d'un ensemble donné avec une valeur à la fois esthétique, psychologique et moralisatrice.

Les Grecs attribuaient un ethos défini, en musique, à chacune de leurs harmonies, ce qui doit probablement être compris comme se rapportant non pas aux modes tels que les entend la théorie moderne (les Grecs en ignoraient jusqu'au terme), mais à certains types mélodiques définis se rattachant, comme il est fréquent dans les musiques primitives ou orientales, à des situations sociales ou religieuses également définies, en incluant ce que J. Chailley a appelé le « mode formulaire ».

La doctrine de l'ethos des harmonies (qu'on a traduit à tort par « l'ethos des modes ») est exposée avec force par Platon dans la République, puis par Aristote dans la Politique, et a été maintes fois reprise au cours des siècles sous leur autorité (sur sa portée historique réelle, → dorien). Plusieurs auteurs médiévaux ont tenté de l'appliquer aux 8 modes de plain-chant (les chapiteaux de Cluny en sont un témoignage) sans que la doctrine s'en soit vraiment généralisée, et Luther lui-même s'en est fait l'écho dans son travail d'élaboration de la « deutsche Messe ». De là, on est passé, au xviie siècle, à l'idée d'un « ethos des tonalités », en attribuant un caractère défini à chaque tonalité majeure ou mineure. Plusieurs auteurs, dont Marc-Antoine Charpentier, nous ont ainsi laissé des tables d'ethos, parfois contradictoires entre elles. Avec la généralisation du tempérament égal au xixe siècle, très antérieur à la normalisation du diapason, l'ethos des tonalités est devenu une théorie sans consistance (tout au plus peut-on dire que sur certains instruments, par le jeu des doigtés ou des cordes à vide, certaines tonalités sonnent mieux que d'autres, indépendamment de toute hauteur absolue).

Cette notion ne s'en est pas moins transmise jusqu'à nous, avec de multiples flottements d'ailleurs. On la trouve encore parfois évoquée de nos jours, avec référence cette fois à la seule hauteur absolue du diapason, sans égard aux variations que subit en fait ce diapason, tant dans l'accord des instruments que dans les appareils de reproduction sonore, dont les variantes de tension provoquent fréquemment des distorsions de fréquences pouvant dépasser le demi-ton sans entamer la croyance dans l'ethos de la tonalité inscrite sur l'étiquette.