divertissement

(en ital. divertimento)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Aux xviie et xviiie siècles, en France, le divertissement désigne un ensemble de danses, de chants et de pièces instrumentales destiné à prendre place entre les actes ou à la fin des actes, voire au milieu des actes, d'une comédie-ballet (le Bourgeois gentilhomme de Lully, 1670), d'un opéra-ballet (les Indes galantes de Rameau, 1735) ou d'une tragédie lyrique (Cadmus et Hermione de Lully, 1673). Issu du ballet de cour, plus ou moins rattaché à l'action, ce type de divertissement restera typique de l'opéra français et survivra sous des formes et des appellations diverses non seulement dans Iphigénie en Aulide de Gluck (1774), mais jusque dans Faust de Gounod (1859), Samson et Dalila de Saint-Saëns (1877) et Pâdmâvati d'Albert Roussel (1918). On appelait aussi divertissement, aux xviie et xviiie siècles, les parties de chant ou de danse (auxquelles venait s'ajouter le vaudeville final) intercalées dans une pièce.

Dans la musique instrumentale (mais aussi parfois vocale) de la fin du xviie siècle et de la plus grande partie du xviiie, le terme « divertissement », qui évoque surtout pour nous certaines œuvres de Haydn, de Mozart et de leurs contemporains, recouvre des réalités fort diverses. Pour la musique de chambre, en particulier germanique, du milieu du xviiie siècle, les termes « divertissement », « sérénade », « nocturne », « cassation » furent souvent employés de façon synonyme, et, inversement, les sources différentes d'une même œuvre utilisent souvent l'un ou l'autre. Des quatre, celui de « divertissement » a la portée la plus générale, au point de pouvoir éventuellement englober les trois autres, et surtout la plus fonctionnelle, la plus liée en soi au fait de distraire, de « divertir ». Pour H. C. Koch, le divertimento est un ouvrage à deux, trois, quatre ou plusieurs parties instrumentales, avec un seul instrument par partie et tournant le dos non seulement à la polyphonie mais aussi au « travail thématique » propre au style sonate. Pour Mozart, fidèle en cela à la tradition salzbourgeoise, c'est essentiellement (mais non exclusivement) une œuvre tendant vers la musique de chambre, avec un seul instrument par partie, en plusieurs mouvements et pour cordes et/ou vents, ceci par opposition à la sérénade, conçue en principe pour orchestre et destinée à des occasions plus solennelles. L'origine de ce concept de divertissement semble se trouver dans la musique de chambre vocale italienne de la fin du xviie siècle : en 1681, Carlo Grossi appela son opus 9 Il Divertimento di Grandi, musiche da camera o per servizio di tavola… con dialogo amoroso e uno in idioma ebraico. Vers 1730, Francesco Dutante publia des Sonate per cembalo divise in studi e divertimenti, distinguant ainsi des œuvres « sérieuses » et « légères ». Pour la musique de clavier, le terme passa d'Italie en Autriche, où il fut repris notamment par Georg Christoph Wagenseil, et à sa suite par Joseph Haydn. Celui-ci, se faisant ainsi le reflet d'une tradition assez spécifiquement autrichienne, appela longtemps (jusqu'au début des années 1770) « divertimento » des œuvres qui, pour nous, sont des sonates pour clavier, des quatuors à cordes ou des trios pour baryton. Par exemple, tant que ses œuvres pour clavier en plusieurs mouvements n'étaient destinées qu'à « divertir » ou à des cercles réduits, Haydn les qualifia de divertimentos ; dès qu'elles devinrent plus ambitieuses (sonate en ut mineur no 33 Hob. XVI. 20, de 1771), ou surtout destinées à l'édition (sonates nos 36-41 Hob. XVI. 21-26, de 1773), il les qualifia de sonates. De même, il appela « divertimentos » ses quatuors jusqu'à l'opus 20 (1772) et ne leur donna leur dénomination moderne qu'à partir de l'opus 33 (1781). D'une façon générale, on peut dire qu'avant 1780 le concept de divertimento englobait (ou pouvait englober), en Autriche, toute musique instrumentale non orchestrale, même de caractère sérieux, et qu'après cette date seulement il s'appliqua plus spécifiquement à une musique de caractère plutôt léger.

Le caractère de légèreté du divertissement se perpétua largement au xixe siècle (notamment dans le pot-pourri) et, surtout, au xxe, mais le terme lui-même survécut à peine au xviiie (Divertissement à la hongroise D 818 de Schubert, Divertissement op. 6 de Roussel, Divertissement pour cordes de Bartók).

Dans la fugue, on appelle divertissements des épisodes plus détendus et plus libres que le reste, qu'on trouve en particulier juste avant la strette, mais dont la présence n'a cependant rien d'obligatoire.