déclamation
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Art de déclamer, c'est-à-dire de réciter à haute voix avec le ton et les gestes convenables.
Au théâtre, les comédiens récitèrent longtemps leurs rôles avec une certaine emphase qui dénaturait souvent le sens de leurs paroles. Talma fut le premier à réagir contre ce genre trop solennel, mais aujourd'hui bien des acteurs pèchent par l'excès contraire : sous prétexte d'être naturels, ils veulent ignorer la diction. Au théâtre lyrique, la déclamation se doit de rendre audible et compréhensible un texte chanté, de ne pas rendre ridicule un texte parlé sur la musique selon le principe du parlando ou du « récitatif ». Le fait de psalmodier, comme il est pratiqué dans le chant liturgique, est déjà de la déclamation, mais elle conduit à la monotonie. Elle ne prend son relief et sa vigueur que lorsqu'elle épouse un phrasé mélodique auquel souvent elle impose son rythme. La déclamation musicale grecque était mesurée, celle du chant grégorien également. Dans l'opéra, en particulier l'opéra français, les airs sont toujours un peu déclamés, les récitatifs légèrement chantés. Mais dans l'opéra-comique, où la musique n'intervient par définition que pour enrichir l'action d'une pièce, les déclamations parlées et chantées interviennent alternativement. Toutes les deux d'ailleurs ont le même but : permettre à l'auditeur de comprendre le message de l'auteur et du compositeur.
C'est au musicien, dans l'opéra comme dans le lied, qu'incombe la tâche de concilier le texte et la mélodie. Négliger le premier l'oblige à donner toute la puissance d'expression à la seconde, ce qui est le cas par exemple de quelques œuvres de Verdi (la Force du destin, le Trouvère), où le musicien, ayant à interpréter des textes médiocres, préfère les effacer en ne s'intéressant qu'aux passions, aux ambiances, aux évolutions de l'esprit. En revanche, l'association des déclamations parlées et musicales est parfaitement atteinte dans des œuvres de Wagner, de Schubert, de Hugo Wolf et de Debussy. C'est que le texte et la mélodie ont leurs rythmes et leurs accents propres. Ils ont leurs accents grammaticaux, présentés sous forme de longues et de brèves, et leurs accents oratoires révélés par les modulations des sentiments dont l'interprète est agité lorsqu'il traduit un texte chanté. Ces deux déclamations, littéraire et musicale, se retrouvent dans un phrasé clair comme expressif, dans un ton juste qui ne trahit pas le message exprimé.
Le chant étant accompagné, il arrive que les intonations chantées soient différentes des intonations harmoniques. Dire juste et chanter juste ne sont pas les mêmes choses. L'interprète doit donc traduire la pensée du musicien au-delà des mots qu'il prononce. Sa déclamation doit s'appuyer sur une diction compréhensible, s'accompagner de gestes appropriés, se moduler sur les intonations de la mélodie. C'est là tout un art, en effet, qui exige beaucoup de travail, de sensibilité, d'intelligence. Trop d'artistes négligent d'étudier la déclamation lyrique sans se douter qu'une déclamation fausse entraîne une interprétation fausse et, de ce fait, trahit le message à eux confié par un auteur et un compositeur. La déclamation d'un interprète peut transformer totalement les valeurs d'un texte et de sa mélodie.