concerto grosso

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

La forme du concerto grosso fait appel à une répartition tripartite de la masse sonore : un violon principal dont le rôle est strictement fonctionnel ; le concertino qui groupe un ensemble restreint de solistes ; le grosso (ripieno) ou tutti qui représente l'anonymat de l'orchestre. Si le nom de concerto grosso apparaît dans l'édition de l'opus 2 de L. Gregori (1698), les premiers compositeurs qui semblent s'y être intéressés sont Stradella (1676), Corelli (1682), Gregori (1698), Muffat (1701) et Torelli (1709). Mais c'est A. Corelli (1653-1713) qui est le véritable créateur de la coupe classique du concerto grosso. Il en laisse douze, dont huit relèvent du style d'église et quatre du style de chambre. L'effectif instrumental est identique pour tous les concertos : 2 violons et basse continue pour le concertino ; 2 violons, 1 alto et basse continue pour le grosso. Chaque groupe instrumental possède sa basse chiffrée et la forme générale de ces œuvres hésite entre celle du concerto d'église en quatre mouvements et celle du concerto de chambre en quatre ou sept morceaux inspirés des formes et des titres de danse. Quelques concertos de Corelli sont en cinq mouvements séparés par deux repos : grave, allegro-vivace-largo et allegro. Parallèlement, G. Torelli (1658-1709) renforce l'effectif du grosso par les hautbois, bassons, trompettes et timbales, mais c'est A. Vivaldi (1678-1741) qui dote, définitivement, le concerto grosso d'une coupe en trois mouvements : allegro, adagio, allegro. Généralement, les deux allegros sont de forme sonate monothématique, avec réexposition de l'idée au ton principal, ou de forme rondo. Quant à la pièce lente, elle est, le plus souvent, de forme binaire et construite autour d'une ritournelle qui revient périodiquement et toujours modifiée. Même si Vivaldi écrit aussi des concertos grossos en quatre, cinq ou sept mouvements, il codifie le plan classique de cette forme qui s'exporte à travers toute l'Europe. L'Allemagne l'accueille très favorablement, et ses compositeurs se plaisent à offrir des versions interchangeables entre les cordes et les vents, pour les concertinos. On assiste également à une multiplication des combinaisons instrumentales, qui fait beaucoup pour l'enrichissement du groupe de solistes.

Mais la forme la plus achevée du concerto grosso est représentée par les « Six concerts avec plusieurs instruments » de J.-S. Bach (1685-1750). Dans les Concerts II, IV et V, il oppose le concertino au grosso ; dans les I, III, VI, les parties concertantes agissent en groupe, quitte à voir apparaître, de temps à autre, un instrument soliste. Les combinaisons instrumentales sont très variées et offrent une place de choix aux vents. En dehors du premier, ces concerts sont tous en trois mouvements avec un allegro monothématique ou bithématique (II), un adagio de forme binaire (II, IV, V, VI), ou qui se résume à 2 mesures (I) ou à 2 accords (III) ; un final monothématique fugué (II, III, V) ou non (IV), de forme rondo (I), ou construit sur trois éléments (VI). Dans le 4e concert, l'adagio s'enchaîne au final. Avec son 5e concert, J.-S. Bach ouvre la voie au concerto de soliste pour clavier, à cette forme qui, précisément, supplante pour un temps celle du concerto grosso.

Il faut attendre le « retour à Bach » du xxe siècle pour voir les compositeurs se pencher de nouveau sur cette forme : E. Bloch, M. Reger, H. Kaminski, E. Krenek, P. Hindemith, B. Bartók, W. Lutowslawski, I. Stravinski… Si la coupe ternaire reste généralement de rigueur, le style, le rythme, les combinaisons instrumentales et le langage harmonique sont du xxe siècle, et toutes les esthétiques contemporaines peuvent s'adresser à cette forme revivifiée.