canzona ou canzone

(ital. ; « chanson » ; pl. canzone ou canzoni)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Terme italien au sens plus diversifié dans le temps et dans la forme que le mot français chanson.

Il peut très bien ne pas s'appliquer à une pièce vocale, bien que le caractère mélodique soit toujours présent sous une forme ou sous une autre, rappelant ainsi l'art vocal. Dérivant du canso provençal, la canzona est d'abord une forme poético-musicale cultivée en Italie, dès le xiiie siècle, mais, cette fois, elle est polyphonique et pas nécessairement chantée. La forme en est strophique.

Plus tard, vers la fin du xve siècle et au début du siècle suivant, on donne le nom de canzona à des compositions profanes éloignées du genre populaire (frottola, strambotto). Ce caractère sérieux se retrouve bientôt dans le madrigal italien. En effet, vers le milieu du xvie siècle, la canzona désigne au contraire une composition légère, populaire et de forme strophique, où l'écriture verticale domine afin de faciliter la compréhension du texte. Né à Naples, ce type de composition se répand dans toute l'Italie et reçoit le titre de villanella ou villota, comme le recueil d'O. de Lassus (2e Libro de Villanelle, Moresche ed Altri Canzoni…, Paris, 1581), qui contient le célèbre Matona mia cara à 4 voix.

Entre-temps, sous l'influence franco-flamande, les musiciens italiens font aussi des transcriptions de chansons polyphoniques de l'école parisienne (en particulier celles de Cl. Janequin), de Josquin Des Prés et de bien d'autres, pour le luth et pour les instruments à clavier. Un musicien particulièrement actif dans ce domaine est Fr. da Milano, mais on peut citer également les noms de Cl. Merulo ou de G. Cavazzoni, l'auteur d'une Canzon sopra Il est bel est bon du Parisien Passereau.

Après 1560, la forme instrumentale de la canzona francese se développe rapidement ; elle peut soit être une adaptation d'une pièce vocale, soit n'en prendre qu'une phrase, ou encore devenir une composition originale dans le même esprit, un des liens essentiels avec la chanson étant le rythme caractéristique du début : blanche-noire-noire. Cette musique devient plus idiomatique et mène à l'éclosion de la sonate. Les canzone les plus célèbres ­ destinées à tout un assortiment d'instruments auxquels les voix peuvent se joindre ­, et peut-être aussi les meilleures, sont l'œuvre de G. Gabrieli. Mélangées à des sonate, genre plus solennel, ces canzone sont publiées à Venise chez Gardano (Sacrae Symphoniae, 1597 ; Canzoni e Sonate, 1615), ainsi que chez Raverio dans une anthologie datant de 1608. L'écriture en imitation demeure fréquente dans ces pièces, mais on y trouve également de nombreux passages homorythmiques en même temps que plusieurs thèmes. Une variété rythmique est aussi introduite au moyen de sections contrastantes (binaires/ternaires) ; les instruments sont souvent répartis en deux groupes qui dialoguent entre eux. Les lignes mélodiques de Gabrieli (surtout celles des cornetti) peuvent recevoir une ornementation en diminution, du genre proposé par le « chef des instruments à vent » à Saint-Marc de Venise, le cornettiste G. dalla Casa, dans son ouvrage théorique (1584).

Encore une fois, la canzona évolue vers une forme instrumentale, sans doute sous l'influence de sa voisine la sonata et sous celle du grand maître G. Frescobaldi, qui compose à la fois des canzone traditionnelles et d'autres fondées sur un seul thème avec variations. Ce dernier type de canzona, destiné aux instruments à clavier, continue à être écrit jusqu'au xviiie siècle. J. S. Bach en a signé un exemple, la Canzona (BWV 588, v. 1709).