la musique dans le domaine autrichien

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Depuis les origines, la musique autrichienne est un des éléments de la musique germanique (v. allemand) et lui consacrer un article à part est dû pour l'essentiel, voire uniquement, à des raisons politico-historiques : cela malgré l'existence en musique, surtout depuis la fin du xviiie siècle, d'un courant spécifiquement autrichien. À noter également que, parmi les territoires faisant actuellement partie de l'Autriche, l'un des principaux du point de vue musical, Salzbourg, ne fut rattaché à l'Autriche que par les guerres de Napoléon, et que ce rattachement ne devint définitif qu'en 1816.

Autour de Salzbourg et Vienne

Les deux centres musicaux les plus importants de l'Autriche furent, au début, Salzbourg et Vienne, et ils le sont restés jusqu'à nos jours. À Salzbourg, l'archevêque Arno (785-821) fut un des propagateurs des réformes carolingiennes et la ville entra très tôt en relations musicales étroites avec Saint-Gall et Metz. Les deux notations les plus anciennes qui subsistent ­ Lamentations du monastère de Saint-Florian et Codex millenarius minor du monastère de Kremsmünster ­ datent de la même époque (ixe s.). Comme l'Allemagne, mais un peu plus tard, l'Autriche connut l'art des Minnesänger. Aux alentours de l'an 1200, les Allemands Reinmar von Haguenau et Walther von der Vogelweide (1170-1230) séjournèrent à Vienne à la cour des derniers ducs de Babenberg (Léopold V, Léopold VI, Frédéric II). Quant aux principaux Minnesänger autrichiens, ce furent Heinrich von Türlin, Albrecht von Scharfenberg, Neidhart von Reuenthal, Hugo von Montfort, le moine bénédictin Hermann von Salzburg ou encore le chevalier tyrolien Oswald von Wolkenstein (v. 1377-1445), qui, en disciple de Machaut, fut aussi l'un des premiers, non seulement en Autriche, mais en pays germaniques, à se préoccuper de polyphonie. La première corporation de Meistersinger fondée en Autriche le fut à Schwaz, dans le Tyrol. D'autres suivirent à Steyr et à Wels.

Le développement de la polyphonie

La polyphonie se développa en Autriche à partir de la fin du xve siècle, grâce notamment au séjour dans les cours de Graz, Innsbruck et Vienne de maîtres franco-flamands. C'est ainsi que J. Brassart fut « cantor principalis » de Frédéric III de Styrie, empereur germanique de 1452 à sa mort. Jusqu'à Lambert de Sayve (1549-1614), natif de Liège et dernier maître de chapelle impérial, on compte par dizaines les compositeurs franco-flamands qui, à titre provisoire ou définitif, vinrent s'établir en Autriche. La période la plus faste fut, à cet égard, le règne du successeur de Frédéric III, Maximilien Ier : à ses cours d'Innsbruck et de Vienne, qui pour la musique surclassaient tout ce que l'Allemagne pouvait offrir de comparable à l'époque, séjournèrent le Franco-Flamand Heinrich Isaac (v. 1450-1527), son élève, le Suisse Ludwig Senfl (v. 1486-1543), l'Allemand Heinrich Finck (v. 1445-1527) et l'Autrichien Paul Hofhai mer (1459-1537), tous de très grands noms. Né à Radstadt, près de Salzbourg, Hofhaimer est considéré comme le premier compositeur autrichien réellement important, en raison notamment de sa position éminente dans l'école d'organistes qui prenait alors en pays germaniques un essor incomparable ailleurs. Il fut organiste à la cour de Maximilien Ier, puis à la cathédrale de Salzbourg. Parmi d'autres musiciens fixés en Autriche au xvie siècle, citons Arnold von Bruck (1554), d'origine suisse, et surtout le Franco-Flamand Philippe de Monte (1521-1603), qui, de 1568 à sa mort, fut maître de chapelle impérial à Vienne, puis à Prague. Né vers 1440, maître de chapelle à la cathédrale Saint-Étienne, H. Edlerauer a été qualifié de premier polyphoniste viennois. Œuvrèrent également, aux xve et xvie siècles, Conradus Celtes (1459-1508), Wolfgang Grefinger (apr. 1515), Petrus Tritonius, originaire de Bozen (Bolzano) dans le Sud-Tyrol, ainsi que pour le luth Hans Judenkönig (v. 1450-1526) et les frères Neusiedler, Hans (v. 1509-1563) et Melchior (1507-1590). Au début du xvie siècle, J. Winterburger fut le premier grand représentant de l'imprimerie musicale à Vienne.

Sous l'influence de l'Italie

Avec le xviie siècle, l'influence de la musique italienne devint prépondérante en Autriche, en particulier dans les domaines de l'opéra et de l'oratorio. Lors de son accession au trône impérial (1619), Ferdinand II fit venir de Graz à Vienne sa chapelle musicale, déjà fortement italianisée sous la direction de Giovanni Priuli (v. 1580-1629). La tendance se poursuivit sous Ferdinand III, Léopold Ier et Joseph Ier, respectivement empereurs de 1637 à 1657, de 1657 à 1705 et de 1705 à 1711. Ces souverains furent eux-mêmes compositeurs. Jusqu'à Antonio Salieri (1750-1825), le rival de Mozart, beaucoup d'Italiens devaient jouer dans la vie musicale autrichienne et viennoise un rôle de premier plan. Nombreux furent, aux xviie et xviiie siècles, les compositeurs italiens vivant en Autriche, ainsi que les ouvrages italiens (ou à l'italienne dus à des compositeurs germaniques) joués. En 1628, l'exécution de la messe solennelle à 53 voix d'Orazio Benevoli (1605-1672) marqua la consécration de la cathédrale de Salzbourg. En matière d'opéra, l'Egisto de Cavalli fut représenté à Vienne en 1642. Antonio Cesti, après avoir travaillé à Innsbruck, fut maître de chapelle de Léopold Ier, pour le mariage duquel il composa Il Pomo d'oro (1667). Antonio Draghi (1635-1700), qui régna pendant trente ans en maître absolu sur la musique à la cour de Vienne, et Francesco Conti (1682-1732) moururent l'un et l'autre dans la capitale autrichienne.

Cela n'empêcha pas l'éclosion de talents proprement autrichiens ni l'installation en Autriche d'artistes originaires d'autres pays que l'Italie, mais ceux-ci œuvrèrent en général dans d'autres domaines que l'opéra. Paul Peuerl (v. 1570 – v. 1625) de Styrie et Isaac Posch († 1623) de Carinthie furent des pionniers de la suite et de la variation instrumentales. Andreas Hofer (1629-1684) fut compositeur de la cour à Salzbourg. À Vienne vécurent Johann Jakob Froberger (1616-1667), organiste de la cour de 1636 à 1657, et Johann Kaspar Kerll (1627-1693) qui, comme organiste à la cathédrale Saint-Étienne, eut comme assistant Johann Pachelbel (1653-1706). Johann Heinrich Schmelzer (v. 1630-1680), maître de chapelle impérial, eut pour élève Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704), le plus grand représentant de l'école de violon en pays germaniques à l'époque baroque. Autre Salzbourgeois d'adoption, Georg Muffat (1653-1703) introduisit en Allemagne le style lullyste et le concerto grosso à l'italienne. D'une façon générale, la musique en Autriche fut alors très fortement conditionnée par le fait que, avec la guerre de Trente Ans (1618-1648), l'empereur s'était imposé en Europe comme le champion de la Contre-Réforme. Dès le xvie siècle, une ordonnance avait été prise à Salzbourg contre les chorals protestants. Grâce notamment aux monastères, la musique religieuse n'en conserva pas moins le contact avec la sève populaire, tandis que dans le domaine du lied s'illustrait Johann Jakob Prinner (1624-1694), auteur d'un Gesangbuch (livre de chant) à l'usage de l'archiduchesse Maria Antonia.

La première trinité viennoise

Avec le règne de Charles VI, empereur de 1711 à 1740, occupèrent le devant de la scène, les prédécesseurs immédiats de Haydn, ceux dont la musique berça l'enfance et la jeunesse du futur auteur de la Création. Les compositeurs que Joseph Haydn (1732-1809) put entendre à partir de son entrée, en 1740 (l'année où Marie-Thérèse succéda à Charles VI), dans la maîtrise de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne se répartissaient en réalité en trois groupes d'âge. Il y avait d'une part l'Italien Francesco Conti et les deux derniers grands représentants du baroque autrichien en musique, Johann Joseph Fux (1660-1741), né en Styrie et maître de chapelle de la cour depuis 1715 (poste auquel il avait succédé à une lignée d'Italiens), et l'Italien Antonio Caldara (1670-1736) ; d'autre part, des compositeurs nés dans les premières années du siècle nouveau, en Autriche ou ailleurs, mais fixés à Vienne, comme Johann Georg Reutter (1708-1772) ­ ce fut lui qui engagea le jeune Haydn à Saint-Étienne ­, Frantisek Tuma (1704-1774), Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Ignaz Holzbauer (1711-1783), Georg Christoph Wagenseil (1715-1777) ou Georg Matthias Monn (1717-1750) ; enfin, des contemporains de Haydn lui-même, comme Franz Aspelmayer (1728-1786), Florian Gassmann (1729-1774), Leopold Hoffmann (1730-1793), Joseph Starzer (1726-1787), Carlos d'Ordonez (1734-1786), Karl Ditters von Dittersdorf (1739-1799), Jan Krtitel Vanhal (1739-1813) ou, son propre frère, Johann Michael Haydn (1737-1806).

La plupart de ces compositeurs sont entrés dans l'histoire sous l'appellation générale de « symphonistes préclassiques autrichiens », cela dans la mesure où ils furent de ceux qui frayèrent la voie ou tinrent compagnie à l'Autrichien Joseph Haydn (1732-1809), au Salzbourgeois Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) et au Rhénan Ludwig van Beethoven (1770-1827). Il n'y a pas lieu d'examiner ici en détail la position musicale, culturelle et historique unique de cette trinité ­ Haydn-Mozart-Beethoven ­, qui, pour la première fois, fit de Vienne le principal centre européen de création musicale (à cet égard, v. la musique dans le domaine allemand). Précisons néanmoins que, contrairement aux idées reçues, les symphonistes autrichiens préclassiques bénéficièrent en leur temps d'une renommée et d'une diffusion de leurs œuvres bien plus grandes que ceux de l'école de Mannheim, par exemple. Et notons encore, parmi les contemporains autrichiens, ou ayant œuvré en Autriche, de Haydn, de Mozart et de Beethoven, les noms de Leopold Mozart (1719-1787), père de Wolfgang, Johann Ernst Eberlin (1702-1762), Josef Starzer (1726-1787), Anton Adlgasser (1729-1777), Johann Georg Albrechtsberger (1736-1809), Maximilian Stadler (1748-1833), Leopold Kozeluch (1752-1818), Johann Schenk (1753-1836), Franz Anton Hoffmeister (1754-1812), Ignaz Pleyel (1757-1831), Pavel (1756-1808) et Antonin (1761-1820) Vranicki, Adalbert Gyrowetz (1763-1850), Joseph Eybler (1765-1846), Anton Eberl (1765-1807), Franz Xaver Süssmayr (1766-1803), Joseph Weigl (1766-1846), Wenzel Müller (1767-1835), Joseph Wölfl (1773-1812), Johann Nepomuk Hummel (1778-1837), Sigismund Neukomm (1778-1858), Anton Diabelli (1781-1858).

La Vienne romantique

Après Beethoven, Vienne, carrefour entre le Nord et le Midi, entre l'Est et l'Ouest, conserva tout son prestige, malgré l'éclatement en tendances fort diverses et la multiplication des centres de création que signifia le romantisme, et, jusqu'à Schönberg en tout cas, le « dialecte » viennois put à maintes reprises, et non sans raisons, être considéré comme le langage universel de la musique. Franz Schubert (1797-1828) fut le premier musicien de tout premier plan qui non seulement passa toute sa vie à Vienne, mais y naquit. On hésite à nommer à ses côtés ses contemporains, tel son ami Anselm Hüttenbrenner (1794-1868). Des grands musiciens romantiques allemands du xixe siècle, seul Johannes Brahms (1833-1897) devint viennois d'adoption. En tant que symphoniste, il eut comme « antipode » dans la capitale autrichienne Anton Bruckner (1824-1896), natif de Haute-Autriche.

À la même époque, la naissance de la valse et de l'opérette viennoises, puis leur conquête du monde furent des phénomènes culturels de la plus haute importance, ne serait-ce que par l'usage « transcendé » que devaient faire de ces types d'expression un Gustav Mahler ou un Richard Strauss. S'imposèrent en ce domaine les noms de Joseph Lanner (1801-1843), Johann Strauss père (1804-1849), Johann Strauss fils (1825-1899), ainsi que ses frères, Joseph Strauss (1827-1870) et Eduard Strauss (1835-1916), Oscar Strauss (1870-1954), Karl Millöcker (1842-1899), Franz von Suppé (1819-1895), Richard Heuberger (1850-1914), Joseph Hellmesberger fils (1855-1907), Franz Lehar (1870-1948), Leo Fall (1873-1925), Robert Stolz (1880-1977). À citer également le compositeur de ballets Joseph Bayer (1852-1913), le compositeur de musique militaire Alfons Czibulka (1842-1894), ainsi que plusieurs compositeurs-virtuoses qui firent beaucoup pour l'élargissement du répertoire : Carl Czerny (1791-1857) ou Sigismund Thalberg (1812-1871) pour le piano, Ignaz Schuppanzigh (1776-1830) ou Joseph Hellmesberger (1828-1893) pour le violon.

La seconde trinité viennoise

La célébrité de Carl Goldmark (1830-1915) et de Robert Fuchs (1847-1927), compositeurs et pédagogues, a aujourd'hui bien pâli. Mais, peu après le milieu du siècle, l'Autriche donna naissance, la même année, à deux compositeurs de première importance : Hugo Wolf (1860-1903) et Gustav Mahler (1860-1911). À leur suite, alors que Brahms et Bruckner venaient de disparaître, Arnold Schönberg (1874-1951), Anton Webern (1883-1945) et Alban Berg (1885-1935), tous trois natifs de Vienne ­ on les désigne parfois sous l'appellation de « seconde trinité viennoise », par analogie avec la première formée de Haydn, de Mozart et de Beethoven ­, furent à l'origine d'un renouveau décisif pour toute la musique occidentale.

Leurs contemporains eurent pour noms Alexandre von Zemlinsky (1872-1942), seul maître et futur beau-frère de Schönberg ; Joseph Matthias Hauer (1883-1959) ; Franz Schreker (1878-1934) ; Felix von Weingartner (1863-1941), surtout connu comme chef d'orchestre ; pour l'opéra, Wilhelm Kienzl (1857-1941), Julius Bittner (1874-1939), Emil Nikolaus von Reznicek (1860-1945), Erich Korngold (1897-1957) ; Joseph Marx (1882-1964), célèbre en particulier pour ses lieder ; et, pour la tradition symphonique, Franz Schmidt (1874-1939). Egon Wellesz (1885-1976), Alexandre von Spitzmüller (1894-1962) et Ernst Krenek (1900) furent, comme Schönberg, contraints à l'exil par le nazisme.

Le xxe siècle

La tradition classico-romantique, parfois teintée de sérialisme, fut poursuivie en Autriche par Hans Gal (1890-1976), Johann Nepomuk David (1895-1977), Franz Salmhofer (1900-1975), Hanns Jelinek (1901-1969), Hans Erich Apostel (1901-1972), Armin Kaufmann (1902-1980) ; puis vinrent Theodor Berger (1905), Marcel Rubin (1905-1995), Wilhelm Jerger (1909), Cesar Bresgen (1913-1988), Robert Schollum (1913-1987), Friedrich Wildgans (1913-1965), Alfred Uhl (1909-1992), Helmut Eder (1916), Karl Schiske (1916-1969), pédagogue de renom, Josef Friedrich Doppelbauer (1918-1989), Gerhard Wimberger (1923), Karl Heinz Füssl (1924-1992), Fritz Leitermeyer (1925), Paul Angerer (1927), également chef d'orchestre, le guitariste Karl Scheit (1909-1993). Le compositeur autrichien qui, depuis 1945, s'est le plus imposé sur le plan international tout en s'intégrant à l'avant-garde européenne est Friedrich Cerha (1926). À sa suite, on peut citer Richard Hoffmann, Michael Gielen (1927), également chef d'orchestre, Gerhard Lampersberger (1928), Joannes Martin Dürr (1931), Heinz Kratochvil (1933-1995), Kurt Schewertsik (1935), Erich Urbanner (1936), Gerold Amann (1937), Gösta Neuwirth (1937), Ingomar Grünauer (1938), Martin Bjelik (1940), Günter Kahowez (1940), Dieter Kaufmann (1941). De Gottfried von Einem (1918), la réputation internationale est actuellement bien établie, surtout grâce à ses opéras. La musique électronique a d'abord été représentée en Autriche par Irmfried Radauer (1928) et par Istvan Zelenka (1936), et le renouveau du courant liturgique, inauguré par Joseph Messner (1893-1969), a été poursuivi par Walter Nussgruber (1919), puis par l'organiste Anton Heiller (1923-1979) et par son élève Peter Planyavsky (1947). L'école autrichienne compte également deux immigrés de marque, Roman Haubenstock-Ramati (1919-1994) et György Ligeti (1923). Les représentants de la toute jeune génération, pour la plupart élèves de Cerha ou de Haubenstock-Ramati, ont pour noms Rudolf Maria Brandl (1943), Franz Baimschein (1944), Klaus Ager (1946), Wolfgang Danzmayr (1947), Wilhelm Zobl (1950), Bruno Liberda (1953), Thomas Perne (1956), Thomas Larcher (1963). Pour la musique contemporaine, on peut citer les festivals Ars Electronica de Linz (septembre), « Zeitfluss » de Salzbourg (juillet-août), Aspekte de Salzbourg (mai), Wien Modern (octobre-novembre) et l'Automne de Styrie (septembre).