Horatiu Radulescu

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur français d'origine roumaine (Bucarest 1942).

Il fait ses études de composition à Bucarest (1er Prix nommé à l'Académie en 1969), puis suit les cours de Darmstadt et travaille notamment avec Stock

hausen, Ligeti, Xenakis et Kagel. Dans sa pensée théorique comme dans sa musique, il remet radicalement en question le matériau et la forme, abolissant la notion d'échelle et de division égale et tempérée du continuum sonore. Le concept le plus général de sa démarche part du fait que l'art musical doit être tout autre chose que la réalité, c'est-à-dire qu'il doit créer un état plutôt qu'une action. Son système de pensée aborde plusieurs chapitres qui doivent être regardés comme des systèmes interdépendants : l'espace infini du son, de toute information auditive, se déployant entre les « points cardinaux » suivants : N (noise : bruit, qui représente l'apériodicité et le caractère nébuleux du spectre), S (sound : son, spectre « serein », cristallisation des composantes fréquentielles dans une géologie exponentielle, périodicité, composition du timbre, matière du son). Si les deux pôles Noise et Sound caractérisent la qualité de la matière sonore, deux autres pôles caractérisent la quantité de passage dans le temps qui, hors du temps, est aussi une qualité de densité : W (width : largeur, agglomération, grande densité spectrale) et à l'opposé E (élément, filtré jusqu'au faisceau sonore). Les sources globales du son qui sont, selon Radulescu, historiquement au nombre de cinq : L (langage articulé), I/O (instrument/objet sonore), H (source humaine abstraite, par exemple voix et sifflements simultanés), N (phénomènes acoustiques purement naturels) et E (sons électroniques, computers, etc.) : il s'agit pour le compositeur d'analyser les situations (les « points cardinaux » de l'espace infini du son) comme les sources globales du son, qu'elles soient intérieures à nous (L et H), tangentes à nous (I/O et E) ou extérieures à nous (N) de telle manière que la cause et l'effet du résultat sonore soient sans cesse cachées. Si l'on réussit à les rendre effectivement non décelables, on arrive à créer un monde non-manufacturé, à dépasser l'état artisanal de l'art ainsi qu'à cerner les notions de plasma sonore et d'analyse spectrale infinitésimale.

« Savoir voyager dans un tel espace de son veut dire dépasser une vitesse terrestre, celle des quatre écritures historiques de la musique (monodie, polyphonie, homophonie, hétérophonie) qui étaient ancrées dans l'action sonore et le geste acoustique, pour créer un état sonore sur l'émanation de ces écritures, état qui

ne pourra plus se réduire à une analyse quelconque de l'une de ces quatre écritures du passé. C'est pour cela que le rythme, aussi bien micro que macro-formel, ainsi que l'intense vie de la dynamique (intensité) deviennent le résultat de véritables pulsations spectrales… À la base de beaucoup de mes œuvres, les sons fondamentaux utilisés sont très souvent déduits eux-mêmes des composantes fréquentielles d'un spectre unique, c'est-à-dire des harmoniques naturelles, cellules du timbre qui sont émancipées elles-mêmes des organismes-sons, ce qui assure une grande soudure et une grande unicité à l'« être-musique ». La vie de la dynamique et du timbre de chacun des sons ainsi choisis est tellement intense qu'elle crée d'elle-même une pulsation spectrale originale. On déclenche et on dirige des micro-phénomènes sonores qui composent comme des vecteurs le macro-organisme de la partition entière » (H. Radulescu).

Radulescu a composé à ce jour 43 œuvres dont les plus révélatrices sont sans doute Cradle to Abysses opus 5 pour piano (1967-68), Vies pour les cieux interrompus opus 6 pour quatuor à cordes, deux « écho-pianos » et six bandes magnétiques (1966-1971), Taaroa opus 7 pour orchestre (1968-69), Credo opus 10 pour neuf violoncelles solistes (1969-1976), Everlasting longings opus 13a pour vingt-quatre cordes (1971), Capricorn's Nostalgic Crickets opus 16 pour sept bois (sept flûtes ou sept hautbois ou sept clarinettes, etc.) [1973], Wild Incantesimo opus 17b pour neuf orchestres (1969-1978), Lamento di Gesu pour grand orchestre opus 23 (1973-1975), A doïni opus 24a pour dix-sept musiciens jouant d'« icônes de sons » (pianos verticaux) [1974], Doruind opus 27 pour 48 voix solistes a cappella (14 sopranos, 10 altos, 10 ténors, 14 basses) [1976], Ecou Atins opus 39 pour flûte (aussi flûte-basse), cor, violoncelle, voix de soprano et cordes de piano (1979), The outer time opus 42 pour vingt-trois flûtes solistes (1979-1980), Iubiri opus 43 pour seize musiciens (deux flûtes piccolos, aussi flûte-basse et flûte-contrebasse, deux clarinettes piccolos, aussi clarinette-basse et clarinette en si bémol, deux contrebassons, aussi bassons, 1 cor, 1 trompette, 1 trombone, 2 percussions, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse) et bandes magnétiques (1980-81), Incandescent serene Opus 35 pour flûte contrebasse, cor, alto, contrebasse et bande (1978-1982), Awakening opus

52 pour 4 solistes, ensemble et sons préenregistrés (1983), Das Ardere pour alto solo (1984) et Christe eleison pour orgue (1986).