Paul Le Flem

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur et critique musical français (Lézardrieux, Côtes-d'Armor, 1881 – Tréguier 1984).

Ayant perdu ses parents de bonne heure, il songea à une carrière dans la Marine, mais s'orienta vers la composition, dès ses années d'études au lycée de Brest. Dans cette ville, Joseph Farigoul lui donna des leçons d'harmonie ; il se rendit à Paris à l'âge de dix-huit ans, eut Lavignac comme professeur au Conservatoire et écouta la parole de Bergson à la Sorbonne. Après un séjour en Russie (1902-1904) ­ où il fut précepteur dans une famille moscovite, apprit le russe et demeura attaché au monde slave ­, il revint à Paris. À la Schola cantorum, Vincent d'Indy le mit dans la classe d'Albert Roussel. Le Flem devint ensuite professeur dans cette classe, après le départ de Roussel ; il y eut comme élèves Erik Satie, puis Roland-Manuel et André Jolivet. Il fut directeur des chanteurs de Saint-Gervais, chef des chœurs à l'Opéra-Comique, et assista à tous les grands événements de la vie musicale parisienne depuis la première de Pelléas ; un poste de critique à la revue Comœdia lui permit, de 1922 à 1938, de prendre la défense de nombreux compositeurs, dont Varèse, Villa-Lobos et Milhaud.

La musique de Le Flem est tout imprégnée de sa Bretagne natale. L'influence du chant breton y est aussi nette que celles de d'Indy, de Debussy, de la polyphonie des xve et xvie siècles et de Monteverdi. Sa personnalité est orientée vers la poésie, la couleur harmonique, le lyrisme, mais aussi vers cette vigueur non dénuée de rudesse, qui appartient à ceux dont le cadre quotidien a été marqué par la mer. Son œuvre comprend des recueils pour piano, Par grèves (1908), Par landes (1908), Vieux Calvaire (1910), Avril (1911) ; une Sonate pour violon et piano (1904), un Quintette pour piano et cordes (1908-1909) ; une Fantaisie pour piano et orchestre (1911) ; des œuvres orchestrales comme les 4 Symphonies (1908-1975) ; de la musique vocale, Chant de croisades (1923), Invocation (1918), In paradisium (1942), Hommage à Rameau (1964), Morven le Gaélique (1963) et la Maudite (1967-1971) pour solos, chœurs et orchestre. En musique théâtrale, il a donné Aucassin et Nicolette (1908-1909) sur un sujet d'origine arabe, tandis que le monde breton devait l'inspirer dans le Rossignol de Saint-Malo (1938), tiré d'une ancienne ballade, la Clairière des fées (1948), marquée par les bois et les forêts, et la Magicienne de la mer (1947), qui reprend la légende de la ville d'Ys.

Trop souvent tenue à l'écart de la vie musicale, la musique de Paul Le Flem a connu un regain de curiosité lors de la célébration du centenaire du compositeur, qui étonna alors le monde musical par l'évocation de sa vie, dans des entretiens radiophoniques ou de presse. Il y fit montre d'une grande clarté d'esprit, d'une sûreté de jugement sur la musique d'un siècle, qu'il porte en haute estime pour sa diversité, et de confiance dans l'avenir de la musique. Son extraordinaire présence sur le plan verbal n'a eu d'égale que sa longévité en matière de création, cas unique dans l'histoire de la musique. Le musicien a expliqué que ses œuvres anciennes, comme celles pour piano ou la Première Symphonie, avaient beaucoup de fraîcheur et de naturel, et qu'il était devenu violent à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, à partir de son Conzertstück pour violon et orchestre (1965). « L'inconscient agit sur nous insidieusement, la musique a le pouvoir de traduire ou même de trahir, si nous ne voulons pas le reconnaître, les réactions les plus intimes de notre être. Il s'agit d'une violence longtemps refoulée, provenant d'une jeunesse vécue sans parents, du retour d'éléments affectifs de la première adolescence. » C'est ainsi que les deux dernières symphonies, la Troisième (1971) et la Quatrième (1975), ont une facture plus moderne que les précédentes, très éloignée de la forme sonate. Une ultime composition, les Trois Préludes pour orchestre, comporte des sous-titres significatifs : Calme, Obsession, Emporté. Ce n'est que la cécité qui a empêché Paul Le Flem de continuer à travailler au cours de ses dernières années. Artiste intègre, homme d'une grande bonté, Paul Le Flem s'est peut-être rendu artisan de la méconnaissance de son œuvre : sa dévotion à la musique des autres lui a fait négliger la diffusion de la sienne propre.