Maurice Ohana

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur français (Casablanca 1914 – Paris 1992).

Sa famille était originaire d'Espagne ­ Ohana est le nom d'un village andalou. Initié par sa mère au cante jondo, il a, aussi, tout enfant, au Maroc, écouté les improvisations des musiciens berbères.

De 1927 à 1931, il reçoit à Bayonne sa première formation musicale en même temps qu'il poursuit ses études secondaires. En 1932, il étudie l'architecture à Paris, travaille le piano sous la direction de Lazare Lévy, et, dès 1936, donne son premier récital. De 1937 à 1940, il est, à la Schola cantorum, l'élève de Daniel-Lesur, qui lui enseigne à la fois l'harmonie et le contrepoint, deux disciplines qui, selon son maître, ne doivent pas être séparées. L'art de Maurice Ohana devra beaucoup à cette méthode. En 1940, la guerre interrompt ses travaux. Maurice Ohana retrouve en 1944, à Rome, un milieu musical, celui de la jeune école italienne, groupée autour d'Alfredo Casella. Cette année-là, il compose ses premières œuvres pour piano, la Sonatine monodique (1945) et le premier des 3 Caprices (1944-1948), Enterrar y callar, dont le titre est emprunté à Goya. Revenu à Paris en 1947, il fonde avec quelques amis, Stanislas Skrovatcheski, Sergio de Castro, Pierre de la Forest Divonne, Alain Bermat, le groupe du Zodiaque, qui se donne pour objectif de défendre la liberté du langage.

À une époque où la musique sérielle a encore force de dogme, Maurice Ohana affirme son indépendance dans le Llanto por Ignacio Sanchez Mejias, qui est créé en 1950 sous la direction de Georges Delerue. On y reconnaît deux points d'ancrage : Manuel de Falla pour l'économie orchestrale, le cante jondo pour l'expressivité de la partie vocale ; mais Maurice Ohana, en communion étroite avec le poème de Federico García Lorca, découvre les éléments d'un langage personnel qu'il ne fera, dès lors, qu'approfondir, enrichir, diversifier. Il écrit en 1952, pour Maurice Béjart, son premier ballet, les Représentations de Tanit (créé en 1956), et sa première musique de scène pour Monsieur Bob'le, de Georges Schéade (Suite pour un mimodrame). Les Cantigas (1953-54) et les Études chorégraphiques, pour percussion (1955) confirment son attachement à la tradition espagnole la plus ancienne et aux rythmes africains, en même temps que son aversion pour un intellectualisme où la sensualité sonore et l'engagement corporel n'auraient pas de part. Dans une musique radiophonique pour les Hommes et les autres d'Elio Vittorini (1955), Maurice Ohana utilise pour la première fois les tiers et les quarts de ton, et, en illustrant le Guignol au gourdin (1956), une farce pour marionnettes de Federico García Lorca, il est un des premiers à découvrir la poétique de ce qu'on nommera bientôt le « théâtre musical ». Une autre étape est franchie avec le Tombeau de Claude Debussy, écrit en 1962, une œuvre où les micro-intervalles et les sonorités qui donnent à l'orchestre de Maurice Ohana sa couleur originale s'agencent et se fondent, définissant une écriture, un style.

Dans les Cinq Séquences pour quatuor à cordes, le compositeur poursuit, en 1963, son exploration de l'univers sonore compris entre les notes de la gamme tempérée, puis, utilisant une guitare à 10 cordes plus riche en sons harmoniques que la guitare classique, il écrit en 1964, à l'intention de Narciso Yepes, 1 suite de 5 pièces, dont le titre, Si le jour paraît, est, une nouvelle fois, emprunté à Goya. Signes, pour une petite formation instrumentale (1965), Synaxis, pour 2 pianos, percussion et orchestre (1966), le Syllabaire pour Phèdre, opéra de chambre (1967), s'inscrivent dans le même domaine de recherches. Cris, pour chœur a capella, inaugure, en 1968, une nouvelle étape créatrice à laquelle l'expérience de la musique électroacoustique n'est pas étrangère, étape marquée également par la marge de liberté laissée aux interprètes. Autodafé, créé en 1971 aux choralies de Vaison-la-Romaine et représenté l'année suivante à l'Opéra de Lyon, est une fresque historique, qui bouscule l'ordre chronologique et qui apparaît, en définitive, comme un jeu où l'on brûlerait « tout ce qui contraint, menace et emprisonne, pour entrevoir un moment la vie telle qu'elle pourrait être ». Tout bascule, tout sombre dans cet univers que surplombe une lumière très intense, mais cette vision tragique de la vie, à laquelle s'oppose un humour salubre, est tout le contraire d'un pessimisme morose. Hommage à Frédéric Chopin, les Vingt-Quatre Préludes pour piano apparurent, lors de leur création le 20 novembre 1973, par Jean-Claude Pennetier, comme une des œuvres majeures de Maurice Ohana, de même que, en 1976, l'Anneau de Tamarit, pour violoncelle et orchestre, inspiré par le dernier recueil de poèmes de Federico García Lorca, et le Lys de madrigaux, pour voix de femmes et ensemble instrumental. Créée à Avignon en 1977, la Messe, pour chœur, solistes et ensemble instrumental restitue, dans un langage de notre temps, l'esprit de la liturgie des premiers âges de la chrétienté. L'année suivante, les Trois Contes de l'Honorable Fleur témoignent de la liberté poétique du compositeur, plus que jamais à l'aise dans l'imaginaire ainsi que le confirme, en 1979, mais aux dimensions de grand orchestre, le Livre des prodiges. Et, c'est encore une œuvre d'une vitalité poétique intense, un Concerto pour piano et orchestre, qui illustre l'année 1981. Le Quatuor à cordes no 2 est de 1980, le Quatuor à cordes no 3 de 1990. En 1988 a été créé à Paris l'opéra la Célestine, en 1991 à Évian le Concerto pour violoncelle no 2 « In Dark and Blue » et en 1992 à Aix-les-Bains Avoaha pour chœur à 36 ou 48 voix, percussion et 2 pianos.