Jacob Obrecht

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur néerlandais (Bergen op Zoom 1450 – Ferrare 1505).

Il fut maître de chœur vers 1476 à Utrecht, où il eut sans doute Érasme pour élève, puis à Sainte-Gertrude et à la confrérie de Notre-Dame de Bergen op Zoom (1479-1484), où il fut ordonné prêtre (1480). Après avoir été maître de chapelle à Cambrai (1484-85) ­ poste qu'il quitta pour mauvaise gestion et négligence ­, il devint succentor à Saint-Donatien de Bruges (1487-1492). Une autorisation d'absence de six mois (1488) lui permit de séjourner chez le duc de Ferrare, Hercule Ier. De 1492 à 1496, il occupa les fonctions de maître de chant à Notre-Dame d'Anvers où il composa vraisemblablement les messes Maria Zart, Sub tuum praesidium et le Salve Regina III. Bruges l'accueillit à nouveau de 1498 à 1500, mais des raisons de santé l'amenèrent à se retirer à Berg op Zoom puis à Anvers avant d'entreprendre un second voyage à Ferrare (1504), où il mourut de la peste.

On possède actuellement de lui 88 œuvres, plus 11 douteuses. Exception faite de 28 courtes pièces profanes, pour la plupart des chansons (dont certaines publiées par O. Petrucci) sur des textes français et surtout néerlandais, et de 3 tablatures de luth, l'essentiel de son œuvre relève du domaine religieux : une trentaine de messes et autant de motets. L'Italie n'ayant eu sur lui que des influences superficielles (Missa Adieu mes amours), Obrecht peut être considéré comme un solide représentant de la grande tradition polyphonique néerlandaise, basée sur la maîtrise de la technique du contrepoint avec un sens aigu de la conduite des lignes mélodiques des voix, toutes de valeur égale (cf. le Pleni sunt caeli de la messe Salve Diva Parens).

Ses grandes compositions religieuses sont fondées sur un cantus firmus, tantôt profane (ex. Je ne demande de Busnois, Malheur me bat d'Ockeghem), tantôt religieux (grégoriens pour Beata viscera, Salve diva parens, Sicut spina, O quam suavis est, Subtuum praesidium), utilisant les différentes voix en imitation. Il est vrai que Jacob Obrecht ne réserve plus le cantus firmus pour le seul « ténor », allant parfois jusqu'à la technique de la messe-parodie. Ainsi le cantus n'est plus un guide, mais un vrai réseau d'irrigation qui donne à l'œuvre une richesse et une souplesse toutes nouvelles. La séquence est le procédé de développement favori du compositeur, donnant à ses œuvres un caractère vivant. Mais il faut y ajouter l'ostinato (répétition très rapprochée d'un court motif), le plus souvent à la voix de basse, ce qui donne à l'ensemble une couleur très marquée ainsi qu'un emploi plus grand de la cadence reprise à Dufay.

On trouve aussi chez Obrecht un sens aigu de l'architecture qui repose sur des préoccupations mathématiques (cf. Marcus Van Crevel). Il va plus loin, en la matière, que Dunstable ou Ockeghem, et se montre vrai disciple des néopythagoriciens, dont les spéculations mathématiques l'ont influencé et conduit aux frontières de l'ésotérisme gnostique. La messe Super Maria Zart, œuvre tardive, ne peut se comprendre sans cela. De la dernière période relève aussi la messe Sub tuum presidium.

Pourtant, Obrecht évite toute froideur et rigidité : il a en effet un sentiment fort de la tonalité et le goût de la clarté harmonique qui le font apparaître comme le protagoniste de la fusion de la polyphonie simultanée des Pays-Bas et de l'harmonie simultanée de l'Italie. L'évidente facilité d'Obrecht a permis à Glaréan d'affirmer que celui-ci pouvait composer une messe en une seule nuit mais, ajoute-t-il, « personne n'a dans ses chants si parfaitement exprimé les sentiments de l'âme humaine ».