Nicolasde Grigny
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Organiste et compositeur français (Reims 1672 – id. 1703).
Il est, avec François Couperin, le plus grand maître de toute l'école de l'orgue classique français ; mais sa destinée tragiquement brève a certainement privé la musique du xviiie siècle de l'un de ses artistes majeurs. Né dans une famille d'organistes rémois, il est monté de bonne heure à Paris pour y parfaire sa formation musicale. Il y a été le disciple de Lebègue, et y a très probablement connu son contemporain François Couperin, dont le Livre d'orgue était publié en 1690. De 1693 à 1695, il est organiste de l'église abbatiale de Saint-Denis. Il regagne ensuite Reims, où, à partir de 1697, il est titulaire de l'orgue de la cathédrale. Deux ans plus tard, il fait paraître son Livre d'orgue, mais il meurt peu après, à peine âgé de trente et un ans. Le Livre d'orgue se compose de deux parties à peu près égales en volume : une Messe d'orgue en vingt-deux morceaux d'un côté, et cinq Hymnes de l'autre. Cette œuvre réalise une synthèse unique entre les tendances les plus nouvelles de l'orgue de concert et les exigences liturgiques traditionnelles de l'Église catholique. D'une sensibilité exacerbée, Grigny pratique un chromatisme séduisant dans un langage encore tout imprégné des vieux modes médiévaux. Harmoniste subtil, polyphoniste accompli (il écrit souvent à cinq voix), il est avant tout un merveilleux mélodiste, développant de souples volutes ou laissant s'échapper de sublimes envolées lyriques, gonflées d'une ornementation somptueuse. Ses hymnes sont à la musique sacrée française ce que les préludes de chorals de Bach sont à la musique religieuse allemande. Le rapprochement n'est d'ailleurs pas fortuit : Jean-Sébastien recopia intégralement le Livre de Grigny lors de son séjour à Lüneburg, en 1703. Une seconde édition, posthume, parut en 1711, et il faut attendre 1904 pour en voir publier la première réédition moderne. Ce chef-d'œuvre, à la charnière de deux siècles, situe l'aboutissement d'une évolution commencée avec Titelouze et Frescobaldi, et marquée par l'influence des prédécesseurs immédiats de Grigny, Lebègue et François Couperin. Couperin n'écrivant plus pour l'orgue, et Grigny disparu, la musique d'orgue française tombera alors en de plus faibles mains, et ne va cesser de se dégrader, lors même que l'école allemande connaîtra son apogée.