Yehudi Menuhin

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Violoniste et chef d'orchestre américain, suisse et anglais (New York 1916 – Berlin 1999).

Ses parents, d'origine russe, s'étaient d'abord rencontrés en Palestine, où ils avaient émigré à quelques années d'intervalle ; puis ils s'étaient retrouvés à New York, où fut célébré leur mariage. L'aîné de leurs enfants, Yehudi, manifesta très tôt d'étonnantes dispositions pour la musique et le violon en particulier. La famille s'étant transportée de New York à San Francisco, où Moshe Menuhin a été appelé à enseigner l'hébreu, le bambin écoute avec passion le violoniste Louis Persinger et, à cinq ans, devient son élève. À sept ans, il débute en soliste avec l'orchestre de San Francisco dans la Symphonie espagnole de Lalo, mais son père n'ignore pas les périls qui guettent un enfant prodige. Sacrifiant sa propre carrière, il s'embarque avec les siens pour l'Europe où Yehudi aura les plus éminents professeurs : George Enesco à Paris, Adolf Busch à Bâle. Au cours de cette période d'apprentissage, le jeune garçon ne fait que de rares apparitions en public, mais elles sont retentissantes ; citons notamment son premier concert à Carnegie Hall en novembre 1927, où il joue le Concerto de Beethoven sous la direction de Fritz Busch, et celui du 12 avril 1929 consacré à Bach, Beethoven et Brahms, avec l'Orchestre philharmonique de Berlin, sous la direction de Bruno Walter. À douze ans, il commence à entreprendre des tournées. De 1930 à 1935, la famille trouve son port d'attache à Ville-d'Avray, et Yehudi travaille volontiers avec sa sœur Hephzibah, de quatre ans sa cadette, qui restera sa partenaire au piano jusqu'à sa mort, en 1980. Entré dans la légende à peine adolescent, Yehudi Menuhin restera, grâce à d'innombrables concerts et enregistrements, le plus illustre violoniste du monde contemporain. Si sa virtuosité a été égalée, sinon dépassée, il n'a guère de rivaux quant à l'interprétation en profondeur d'un immense répertoire, tant classique que moderne.

Un film lui a été consacré par François Reichenbach en 1971.

La musique est pour Menuhin une sorte de religion universelle, un message de paix entre les hommes et les peuples. Lui-même se veut missionnaire de cette religion et citoyen du monde. Aussi a-t-il prodigué son talent, pendant et après la guerre, devant tous les publics et dans les pires conditions, au risque d'un surmenage qui a failli compromettre sa maîtrise de l'instrument. Bravant au besoin l'opinion de ses coreligionnaires et de ses compatriotes, il a courageusement tendu la main à Wilhelm Furtwängler, accusé de sympathies pronazies, joué en Allemagne avant d'affronter le public israélien, et donné des concerts à Moscou en pleine guerre froide. En revanche, il s'est accordé une « année sabbatique » à l'occasion de son soixantième anniversaire et l'a mise à profit pour rédiger un important ouvrage autobiographique ­ le Voyage inachevé ­ qui révèle l'étendue de son ouverture d'esprit et explique, par exemple, son attirance pour la musique et la philosophie de l'Inde.

Un certain nombre d'œuvres contemporaines, telles que la Sonate pour violon seul de Bartók, un Duo pour deux violons de Darius Milhaud, un Trio pour violon, violoncelle et piano d'Alexander Goehr, ont été écrites pour lui. Également virtuose de l'alto, il a abordé la direction d'orchestre dans les années 50 au festival de Bath, dont il venait d'être nommé directeur artistique, et a poursuivi cette activité au festival de Gstaad qu'il a lui-même fondé en 1956. Enfin, il a créé en 1962, dans une petite ville du Surrey, Stoke d'Abernon, une école où sont enseignés le piano et les instruments du quatuor parallèlement aux disciplines classiques. La pédagogie tient en effet une grande place dans ses préoccupations : il dirige à Londres une collection de Musical Guides, où il s'est réservé le violon et l'alto, attachant une importance primordiale à la décontraction, obtenue en ce qui le concerne par la pratique du yoga. Devenu citoyen anglais en 1985, il a été fait baron de Stoke d'Abernon en 1993.