Maurice Maeterlinck

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Écrivain flamand (Gand 1862 – Nice 1949).

Que resterait-il de Maeterlinck si Debussy n'avait composé son unique opéra, Pelléas et Mélisande, sur une de ses pièces de théâtre ? Sans doute ni les divers poèmes que le même Debussy mit en musique, ni le cycle des Serres chaudes dû à Ernest Chausson (1896) n'eussent été suffisants pour établir la renommée d'un auteur lui-même peu amateur de musique et que l'histoire littéraire a, par ailleurs, bien oublié. Il demeure que cette disgrâce se désintéresse injustement du succès connu par Maeterlinck de son vivant et de la place qu'il occupe au sein du mouvement symboliste. Certes, son panthéisme mystique, largement influencé par Novalis et Ruysbroeck, peut paraître aujourd'hui désuet, tout comme son langage imagé d'une naïve redondance. Pourtant, les tortures de l'âme étaient réelles chez un auteur fasciné par le côté absurde et tragique des rencontres entre le destin et l'innocence. Enfermé dans le monde clos de son esprit, miné par la torpeur et la stérilité toujours possible, le poète souhaitait constamment l'évasion, l'ouverture vers l'extérieur, mais ne voyait d'autre issue que celle du Verbe. Il fallait donc créer un langage « symboliste », fait de piétinements, d'un réseau d'images, de correspondances, à peine entrecoupées d'exclamations douloureuses. Cette multiplication des images devait rendre imperceptible le mouvement de l'âme tout en traduisant de son infinie complexité l'identique en mutation. Une telle prudence dans les sentiments s'explique, au théâtre surtout où elle est inhabituelle, par l'angoisse de la mort imminente, pressentie par l'âme bien avant que l'intelligence n'intervienne : en ce domaine, l'influence de Shakespeare (que Maeterlinck traduisit) céda vite pour laisser place à Edgar Poe. Cette intuition spontanée de l'inéluctable plonge les héros dans une attente inquiète, les conduit à scruter l'instant où la mort surgira avec une telle acuité qu'ils finissent par voir l'invisible ou entendre le silence. Plus d'une fois, ici, Maeterlinck rejoindra Villiers de l'Isle-Adam et Mallarmé. Ainsi, dans l'Intruse et les Aveugles (1890), qui préparent Pelléas (1892), assiste-t-on à l'attente d'un personnage qui ne vient pas, vécue par une famille groupée autour d'une femme jetée entre la vie qu'elle donne (elle accouche) et celle qu'elle rend : car la femme, selon Maeterlinck, est un pont tendu entre les mondes surnaturels. L'aventure se déroule dans un paysage intérieur, où l'on croit voir venir Dieu quand c'est la mort, seule, qui se présente. Ces frémissements inquiets, ce langage à l'opposé de toute exacerbation de l'expression, ont trouvé avec Claude Debussy un traducteur idéal. Parmi les œuvres musicales (autres que Pelléas et Mélisande) d'après Maeterlinck, citons Monna Vanna de Rachmaninov (1907), Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas (1907), l'Oiseau bleu, musique de scène de Humperdinck (1910), et Herzgewächse de Arnold Schönberg (1911).