Gian Francesco Malipiero

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur et musicologue italien (Venise 1882 – Trévise 1973).

Contemporain de Stravinski, il forma avec Pizzetti et Casella la triade du néoclassicisme italien ; il apporta à cette tendance une personnalité ascétique et attachante, aussi éloignée de la force irrésistible manifestée par le premier que de la large ouverture européenne du second. Sa vie fut une suite de remises en question de son art et de son message : issu d'une famille de musiciens et de poètes, formé par les premiers pionniers de la renaissance instrumentale italienne de la fin du xixe siècle, il voulut se démarquer tant du postvérisme que de la richesse foisonnante du monde sonore de Wolf-Ferrari et de Respighi. Il détruisit en 1913 ses œuvres de jeunesse, qu'il jugeait trop liées au passé et que la découverte soudaine de Stravinski, de D'Annunzio et de Ravel lui faisait renier. Après avoir donné une première preuve de son talent avec Pause del silenzio (1917) et Pantea (1919), drame chanté et dansé à la manière de la récente Légende de saint Joseph de Richard Strauss, il se consacra quelque temps à l'enseignement, puis s'isola dans une retraite dorée, à Asolo, de 1924 à 1936, période durant laquelle il écrivit quelques-uns de ses chefs-d'œuvre lyriques (Torneo notturno, I Cantari alla madrigalesca, La Favola del figlio cambiato) et où il entreprit la résurrection des œuvres de Monteverdi et de Vivaldi. Il retourna à l'enseignement (Padoue, 1936), assura la direction du conservatoire de Venise (1939-1952), y formant certains des compositeurs les plus en vue de la jeune école italienne, parmi lesquels Luigi Nono, puis reprit une activité créatrice plus intense qu'auparavant. Fortement marqué par le passé glorieux de l'Italie médiévale et renaissante, Malipiero, « de la même manière que les Russes avaient assimilé leur folklore », intégra les modes grégoriens à son langage, d'une grande richesse instrumentale, et qui, récusant avec ostentation les effusions romantiques et le chromatisme germanique, ferait parfois penser à un Pfitzner ou à un Honegger, mais avec un lyrisme que son sang italien ne pouvait renier. En effet, malgré une importante production instrumentale qui ne comporte pas moins de onze symphonies, neuf concertos, huit quatuors à cordes, des sonates à la manière préclassique, des chœurs et diverses pages de musique de chambre dont le dépouillement touche parfois à la nudité, Malipiero fut essentiellement un compositeur lyrique, jusque dans ses œuvres chorales ou sacrées telles que Saint François d'Assise, la Cène, la Passion (1935), etc. Ses opéras ­ plus de trente ­ peuvent se répartir en trois périodes : celle des œuvres « à panneaux » où se juxtaposent des épisodes indépendants, période comprenant notamment les Sette Canzoni (Paris, 1920), qui, avec La Morte delle Maschere et Orfeo, devaient constituer sa trilogie L'Orfeide (Düsseldorf, 1925) ; ce style connut son point culminant avec Torneo notturno (1929), une suite de sept nocturnes, cependant que Malipiero avait déjà amorcé une deuxième manière qui, l'orientant vers de grands auteurs (Goldoni, Pirandello, Calderón, Euripide, Shakespeare), l'obligeait à adopter une progression dramatique, très nette dans La Favola del figlio cambiato (1934) d'après Pirandello, moins évidente dans Jules César ou Antoine et Cléopâtre, le compositeur demeurant inexorablement fidèle à son principe de la mélodie en perpétuel renouvellement exempt de tout développement. Il revint ensuite à sa conception originale des « panneaux » avec une importante succession d'opéras, depuis les Caprices de Callot (1942) jusqu'à Uno dei dieci, écrit à la veille de sa mort, œuvres où l'auteur donna enfin libre cours à une création musicale de pure improvisation, déchargée de toute implication dramatique.