festival de Darmstadt

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Pendant plus de deux décennies, le festival international de Darmstadt a représenté une des plaques tournantes des nouvelles tendances musicales de l'après-guerre. Créé en 1946 par Steinecke et installé au Jagdschlof Kranichstein, le festival permit tout d'abord de faire le point sur les acquis de l'école de Vienne (Schönberg, Berg et Webern), puis, grâce à la confrontation des figures marquantes de la jeune génération, de rendre compte des divers courants d'idées qui traversèrent le langage de la musique dès le début des années 50. Beaucoup plus qu'un festival, Darmstadt fut considéré comme un lieu de rencontres pour plusieurs générations, sous l'impulsion de Wolfgang Steinecke ; Edgar Varèse, Ernst Krenek furent invités en 1950, Olivier Messiaen y participa en 1949 et 1952. Quant aux musiciens qui entreprirent leurs recherches au moment de la création de Darmstadt, ils s'y retrouvèrent presque tous, une année ou une autre, pour y présenter leurs œuvres et leurs pensées esthétiques : P. Boulez, K. Stockhausen, H.-W. Henze, G. Ligeti, H. Pousseur, J. Cage, E. Brown, B. A. Zimmermann, Y. Xenakis, M. Kagel, B. Maderna, L. Berio, L. Nono, S. Bussotti, D. Schnebel, F. Donatoni, etc.

Une des grandes forces de Darmstadt, qui ne se manifestera pas dans d'autres festivals, fut d'allier plusieurs fonctions complémentaires : diffusion, production, enseignement, information, sans qu'aucun de ces domaines n'apparût jamais sacrifié par rapport aux autres. Si les concerts pouvaient être envisagés comme une part importante du festival (avec les créations d'œuvres telles que Kontrapunkte ou Kreuzspiel de K. Stockhausen, Polyphonie X de P. Boulez), son activité n'était pas exagérément axée sur l'aspect « diffusion ». À ce propos, il faut souligner que les programmes intégrèrent à de nombreuses reprises des œuvres devenues « de référence » (de Mahler, Ives, Scriabine, Ravel, Stravinski) et s'ouvrirent également aux musiques extra-européennes (le musicien indien Ravi Shankar intervint notamment en 1957).

L'enseignement délivré à Darmstadt constitua très vite un pôle d'attraction unique pour les musiciens de divers pays : cours d'instruments, qui furent souvent un catalyseur décisif pour la littérature instrumentale, à travers la personnalité de musiciens comme S. Gazzeloni (flûte), A. Kontarsky (piano), D. Tudor (piano), F. Pierre (harpe), K. Caskel (percussions), G. Deplus (clarinette) ; cours de direction d'orchestre avec H. Scherchen, B. Maderna ; cours de composition avec la plupart des compositeurs précités ; cours d'esthétique avec T.-W. Adorno, H. Stückenschmidt, H. Strobel ; cours d'acoustique avec H. Eimert, W. Meyer-Eppler.

Ces cours et conférences suscitèrent la publication d'un ensemble de fascicules, les Darmstädter Beiträger, qui rassemblent des textes déterminants pour l'appréhension des musiques actuelles (Penser la musique aujourd'hui de P. Boulez, de nombreux articles analytiques de K. Stockhausen, G. Ligeti, M. Kagel, etc.).

À partir du milieu des années 60 se développèrent des ateliers de composition posant le problème de la création collective : ainsi naquit, en 1967, Ensemble, selon certains principes déduits d'œuvres de K. Stockhausen comme Mikrophonie, Plus-Minus ; ce processus de composition de groupe associait douze compositeurs dont T. Marco, J. Fritsch, J. Mac Guire, M. Maiguashca. En 1968, à l'occasion d'un atelier dirigé par K. Stockhausen, Musik für eine Haus regroupa, pour un projet où la spatialisation des sources sonores jouait un rôle essentiel, C. Miereanu, M. Maiguashca, R. Gehlhaar, J. Peixinho, etc.

Au cours des années 70 se dessina toutefois un essoufflement progressif ; peut-être les options esthétiques des organisateurs du festival se firent-elles plus restrictives, l'omniprésence de certains grands « ténors » de la musique d'avant-garde freina-t-elle quelque peu les apports de générations plus jeunes.

Si l'on put noter plus récemment la présence, au sein du festival de Darmstadt, de compositeurs comme M. Monnet, B. Ferneyhough, G. Grisey, V. Globokar, susceptibles d'insuffler des idées nouvelles, il n'en reste pas moins que ce festival semble tributaire d'une image de marque privilégiée, à un moment précis de l'évolution des musiques du xxe siècle, avec ses compositeurs de prédilection et leurs épigones. Nombreux étaient les musiciens qui, vers 1980, attendaient que Darmstadt change de cap ou que se développent de nouveaux Darmstadt. Friedrich Hommel, directeur de 1982 à 1994, a largement répondu à leurs espoirs. Il a eu comme successeur en 1995 Solf Schaefer, auparavant directeur du département musique de la radio autrichienne à Graz.