Danemark

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Le Danemark est situé à la charnière des civilisations scandinaves et germaniques. Il a su, toutefois, conserver une expression artistique originale, qui atteignit son apogée à l'aube du xxe siècle.

La musique populaire

Les ballades les plus anciennes semblent remonter aux années 1200. Ce sont des œuvres anonymes, dues à la plume de poètes-musiciens, qui utilisent largement les caractéristiques de la musique religieuse française, que ces auteurs ont pu connaître lors de leurs études à Paris. Il nous reste aujourd'hui, outre la tradition vivante des îles Féroé, de nombreux textes parmi lesquels Udvalgte danske Viser fra Middelalderen (5 vol., 1814), Danmarks gamle Folkeviser (11 vol., 1935-1959) et les travaux de Thomas Laub : Studier over vore Folkemelodiers Oprindelse og musikalske Bygning (1892-1894).

La musique ancienne, des origines au xviiie siècle

Vieux de près de 3 000 ans, les lurs de bronze, retrouvés dans les tourbières des îles, témoignent de l'existence d'une très ancienne vie musicale qui se prolonge, non sans modifications, jusqu'à l'époque des sagas, vers l'an 1000. Les lurs représentent une tradition commune aux pays scandinaves qui apparaît également dans la poésie ancienne d'Islande, l'Edda, et qui fera figure de symbole dans la renaissance nationale romantique. Outre les lurs, les premiers instruments sont la harpe et la rotta, sorte de cithare. Le premier texte musical qui nous soit parvenu est une copie du Codex runicus de la fin du xiiie siècle, qui contient la loi scanique. La musique laïque est diffusée par les lekare ambulants, équivalents des troubadours, mais ce n'est qu'à partir du xvie siècle que se développe une vie musicale organisée, avec la création à la cour royale des kantorer et d'un ensemble de cuivres auquel il semble que Frédéric II ait adjoint, après 1559, des instruments à cordes. Malheureusement, l'incendie de Christianborg en 1794 fait disparaître les archives royales et notamment la collection Nils Schivering qui comprend des œuvres de Jørgen Preston, Franciscus Marcellus, Henissen, Melchior Borchgrevinck et Adrien Petit. La vie musicale est alors soumise à de nombreuses influences étrangères. Après le règne du style franco-flamand sous Christian IV (1588-1648), les compositeurs danois Mogens Pedersøn (v. 1580-1623) et Hans Nielsen (v. 1585-apr. 1626) se tournent vers Venise et cultivent le madrigal. De 1600 à 1609, John Dowland est attaché à la Cour, et, si la France est représentée par les violonistes Pascal Bence, Jacques Foucard, Gaspard Besson et François Francœur, si l'Italie délègue ses plus célèbres chanteurs, c'est l'Allemagne qui fournit les principaux compositeurs : Heinrich Schütz (1585-1672), puis, au début du xviiie siècle, Reinhard Keiser (1674-1739) et Johann A. Scheibe (1708-1776). Parallèlement au développement de l'opéra italien, le Danemark tient un rôle essentiel dans la supériorité de l'école d'orgue de l'Europe du Nord avec Caspar Förster (v. 1574-1652), Christian Geist († 1711), Nikolaus Bruhns (1665-1697), Lorentz Schrøder († av. 1647), Theodoricus Sistinus, Thomas Schattenberg, Bertholius (tous trois v. 1600) et surtout Diederik Buxtehude (v. 1637-1707), que l'on surnommait à Lübeck der grosse Däne (« le grand Danois »). Du règne du roi piétiste Christian VI (1730-1746) date l'âge d'or des passions, mais, avec l'avènement de Frédéric V, en 1746, l'opéra reprend ses droits.

Le classicisme et le national-romantisme

La révolution de cour de 1772 correspond avec le début de la grande évolution culturelle et nationale qui s'étend sur près de cent ans. Le danois devient langue nationale et la loi sur l'indigénat est votée en 1776. Jusqu'en 1830 se déroule la période classique de la musique danoise ; Johann A. P. Schultz (1747-1800), Friedrich L. . Kunzen (1761-1817), Claus Schall (1757-1835), Édouard du Puy (1770/71-1822), Christoph E. F. Weyse (1774-1832), Frederik Kuhlau (1786-1832) et Johannes F. Frøhlich (1806-1860) préparent l'introduction des nouvelles idées qui trouvent en Johann P. E. Hartmann (1805-1900), Henrik Rung (1807-1871), Niels W. Gade (1817-1890), Peter Heise (1830-1879), Christian F. E. Horneman (1840-1906) et Peter E. Lange-Müller (1850-1926) les hommes capables non seulement de les défendre mais d'attirer les regards de l'Europe sur la musique danoise. Tandis que le théâtre d'Adam Oehlenschläger et les romans de B. S. Ingemann font revivre les mythologies nordiques, le romantisme musical danois est aussi marqué par le succès des mélodies de Lange-Müller, Rung et, surtout, du plus danois de tous les compositeurs, Heise. À la scène, outre les derniers cités, Gade, Hartmann, Frøhlich, Joseph Gläser (1835-1891) et Holger S. Paulli (1810-1891) triomphent, tandis que Tivoli résonne des airs de valse et de polka de Hans C. Lumbye (1810-1874) et qu'August Bournonville (1805-1879) non seulement entreprend de créer une remarquable école de ballet, mais suscite de très nombreuses compositions, notamment de Frøhlich, Herman S. Løvenskjold (1815-1870) et Paulli.

De l'époque postromantique au xixe siècle

Un art national est né et s'est épanoui au Danemark, mais l'affrontement des styles entre Gade et Horneman voit le succès du premier, et en même temps de l'école de Leipzig, et du style de Mendelssohn sur l'idéal romantique. Ainsi, à l'inverse de ce qui se passe dans le reste de l'Europe, le Danemark reste, sans y pénétrer, à la limite des mouvements néoromantiques et impressionnistes. Ce délicat équilibre va être le point de départ de l'œuvre de Carl Nielsen (1865-1931), qui apparaît donc comme original et unique. Nielsen est un classique qui se permet les plus grandes audaces. Jusqu'en 1950, sa haute stature domine la vie musicale de son pays, mais sans toutefois l'écraser, et seule, peut-être, compte pour ses contemporains et successeurs immédiats la valeur de son attitude d'indépendance. Parmi eux, ceux qu'on peut considérer comme ses héritiers ont pour nom Thomas Laub (1852-1927), Thorvald Aagaard (1877-1937), Oluf Ring (1884-1946), Otto Mortensen (1907-1986) et Knud Jeppesen (1892-1974). À leurs côtés il faut signaler Rued Langaard (1893-1952), seul représentant du mouvement postromantique, que l'on redécouvre ces dernières années. Poul Schierbeck (1888-1949), Knudåge Riisager (1897-1974), Svend Erik Tarp (1908-1994), Jens Bjerre (1903-1986), Jørgen Jersild (1913), Flemming Weis (1898-1981), Herman D. Koppel (1908) et Svend S. Schultz (1913) ont tous, plus ou moins, subi l'attrait de la musique française.

Entre les deux guerres, de nouvelles influences apparaissent ; ainsi Jørgen Bentzon (1897-1951), Finn Høffding (1899) et Erling Brene (1896) sont-ils sensibles à l'esthétique de Hindemith, tandis que le Danemark s'ouvre de nouveau aux influences étrangères et notamment à celles de Stravinski, Bartók, du groupe des Six, de Roussel et de Honegger. Cette période de transition est dominée par Vagn Holmboe (1909), qui introduit la technique sibélienne de la métamorphose. Avec lui se perpétue l'école symphonique danoise, représentée par Ebbe Hamerik (1898-1951), Franz Syberg (1904-1955), Leif Kayser (1919) et Svend Schultz. À leurs côtés, signalons l'éclectique Niels-Viggo Bentzon (1919), qui poursuit une démarche parfaitement indépendante, Svend Westergaard (1922), Leif Thybo (1922) et Ole Schmidt (1928).

L'époque contemporaine

Le Danemark semble avoir, aujourd'hui, trouvé en Per Nørgård (1932) la personnalité la plus puissante de son histoire, la seule du moins qui permette de penser que Carl Nielsen ne fut pas un phénomène isolé. Per Nørgård a su créer un langage extrêmement original, qui utilise une technique de séries infinies au service d'une expression très forte. L'éclatement des styles permet de découvrir parmi ses condisciples des compositeurs également intéressants tels, surtout, Gunnar Berg (1909-1989), Ib Nørholm (1931), Bernhard Lewkovitch (1927), et les dodécaphonistes Poul Rosving Olsen (1922-1982) et Jan Maegaard (1926). À leurs côtés, une riche floraison de compositeurs, d'écoles et de styles divers, s'épanouit dans le pays, avec notamment Axel Borup Jørgensen (1924), Pelle Gudmundsen-Holmgreen (1932), Finn Savery (1933), Bent Lorentzen (1935), Mogens Winkel Holm et Erik Norby (1936), Svend Nielsen (1937), Jens Wilhelm Pedersen (1939), Ingolf Gabold (1942), Ole Buck (1945), Nils Holger Pedersen (1946), Karl-Aage Rasmussen (1947), Svend Aaquist Johansen (1948) et Poul Ruders (1949), tandis qu'Else Marie Pade (1924) et Jørgen Plaetner (1930) se sont spécialisés dans la musique électronique.

La vie musicale

Il y a au Danemark 5 orchestres régionaux et 2 autres à Copenhague (Det kunglige Kapel, « la chapelle royale », qui peut s'enorgueillir de ses cinq siècles d'histoire, et le Radiosymfoniorkestret). À côté de l'opéra de Copenhague, vieux de près de deux siècles et demi, existe, depuis 1940, Den jyske Opera d'Århus. L'enseignement spécialisé est assuré par deux conservatoires nationaux à Copenhague (fondé en 1867) et à Århus (créé en 1927) ; il existe, en outre, 3 conservatoires régionaux et 20 écoles de musique. Le Danemark est représenté dans tous les organismes internationaux (Jeunesses musicales, SIMC, SIEM, Unesco, etc.) et internordiques.