César Cui
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur et critique russe (Vilna 1835-Petrograd 1918).
Français par son père, un officier napoléonien demeuré en Russie après la retraite de 1812, il fit des études d'ingénieur militaire et enseigna toute sa vie à l'Académie du génie de Saint-Pétersbourg. C'était un spécialiste des fortifications (Traité de la fortification des camps, Abrégé de l'histoire de la fortification). Il serait probablement resté un amateur (il composa très jeune à la manière de Chopin et reçut des leçons de Moniusko), s'il n'avait rencontré en 1856 Balakirev, puis Dargomyjski. Son talent littéraire, son goût de polémiste lui firent jouer un rôle historique de tout premier plan dans la lutte pour le triomphe des idées du groupe des Cinq. De 1864 à 1868, il écrivit, en effet, dans la Revue et gazette musicale, des articles parfois jugés excessifs et violents. Il y défendait avec acharnement ses amis sans, toutefois, leur ménager ses critiques. Tout en rendant justice aux maîtres du passé, il estimait que la vraie musique avait pris naissance avec Beethoven, mais il critiqua vivement Wagner. Publiés en français à Paris, en 1880, ces articles constituent en quelque sorte la première histoire russe de la musique russe. Ce recueil fut adressé à la comtesse belge de Mercy-Argenteau en 1883, après que cette dernière découvrit la musique russe grâce à son compatriote le musicien Jadoul. Ainsi débuta une longue amitié qui s'employa à faire connaître les Cinq. Cui vint en personne recevoir l'accueil triomphal du public pour la représentation du Prisonnier du Caucase par l'opéra de Liège (Noël 1885).
Défenseur des idées du groupe des Cinq, Cui était-il un compositeur représentatif de leurs tendances musicales ? Il est très difficile de l'admettre. En effet, compositeur fécond, il ne fut jamais heureusement inspiré par les thèmes populaires de son pays. Certes, son activité musicale s'était d'abord portée sur le genre lyrique (10 opéras), mais il ne s'inspira que rarement de sujets russes, exception faite du Prisonnier du Caucase (1857, actes I et III ; 1881-82, acte II ; 1re représentation à Saint-Pétersbourg, 16 févr. 1883), du Festin pendant la peste (1900, 1re représentation 1901) où il appliquait timidement les procédés chers à Dargomyjski, de la Fille du Capitaine (1909, 1re représentation Saint-Pétersbourg, 1911), autant d'œuvres inspirées de Pouchkine. Ses sujets étaient plus souvent empruntés aux écrivains français, Hugo (Angelo, 1re représentation Saint-Pétersbourg, 1876), Richepin (le Flibustier, 1888-89 ; 1re représentation Paris, Opéra-Comique, 1894). De même pour ses mélodies choisissait-il plus volontiers Hugo ou Coppée.
Sur le plan musical, ses origines françaises se retrouvent aussi dans l'imitation du style d'Auber, mais les traces de son premier amour, l'opéra italien, sont sensibles dans le découpage général et les mélodies-cantilènes. Il aimait les grandes toiles lyriques sans se rendre compte qu'il manquait de souffle et de puissance pour les mener à bonne fin et que ses sujets, mélodramatiques, s'y prêtaient mal. En revanche, Cui était un miniaturiste-né. L'influence de Schumann est sensible dans ses œuvres instrumentales, celle de Dargomyjski dans ses romances, plutôt faites pour être dites que chantées ; elles se moulent sur le rythme du vers ou de la phrase ; il y a chez lui une aptitude à saisir l'union du texte et de la musique. Fidèle aux désirs de Dargomyjski, Cui acheva son Convive de pierre et, en 1916, révisa, puis termina la Foire de Sorotchinski de Moussorgski. Enfin, il collabora avec Balakirev, Moussorgski et Rimski-Korsakov à l'opéra-ballet Mlada..