Adriaan Willaert
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur flamand (Bruges ? v. 1490 - Venise 1562).
Il reçut à Paris l'enseignement de J. Mouton après avoir, semble-t-il, abandonné des études juridiques. Le milieu musical parisien le marqua d'ailleurs profondément (choix des textes, stylistique). Mais c'est en Italie qu'il devait faire carrière : à la cour de Ferrare (1522) et à Milan (1525-1527) comme chantre, puis à Venise (1527), où, pendant trente ans, il occupa le poste de maître de chapelle à Saint-Marc. Il fut le véritable fondateur de l'école de Venise par sa personnalité et ses œuvres, par son enseignement et par la qualité de ses disciples : Cyprien de Rore, son successeur à Saint-Marc, A. Gabrieli, Mesulo, Porta, les théoriciens Zarlino et Vicentino.Ces deux derniers ont fort bien mis en relief son apport en écrivant sous son influence, le premier les Istitutioni harmoniche (1558), l'une des bases de l'enseignement du contrepoint pendant plus d'un siècle, et le second L'Antica Musica (1555), où sont soulignées les possibilités de l'expression et du chromatisme.
L'originalité de Willaert et de l'école vénitienne à sa suite est, en effet, d'avoir su faire fusionner l'héritage de la polyphonie nordique et les ressources de l'expression, de la couleur. Dans ses motets (350), Willaert utilise très tard la technique du cantus firmus et les procédés du canon, mais dès le motet à six voix Verbum bonum et suave (1519), il sait trouver des phrases courtes et une sobriété pleine de vigueur, et par-delà sa science des enchaînements de période, fait preuve d'un certain sens de l'harmonie. Les messes soulignent bien que son dessein fut de dépasser les maîtres franco-flamands par la clarté et par la recherche d'un « certain plaisir à surprendre l'oreille », ce qui se traduit notamment par l'usage de retards. Ce n'est pas sans raison que l'Arétin, qui exigeait de la musique une « volupté immédiate », le surnomma le « père de la musique ».
Dans un esprit de rénovation et de diversification, il introduisit également des procédés français : d'où un souci des mots et de leur sonorité. Il n'inventa pas le double chœur, mais sut admirablement en tirer parti (cf. Salmi spezzati, 8 v., 1550).
Willaert est avec Festa, Arcadelt, Verdelot, l'un des créateurs du madrigal. Ses premiers madrigaux sont encore très proches de la frottola. Mais son art devint, plus tard, extrêmement savant et raffiné sur le plan sonore et expressif, sans renoncer pour autant au contrepoint.
Certains ont pu lui reprocher un manque de véritable émotion, mais ses contemporains ont su reconnaître la justesse de sa déclamation, la clarté et l'audace de son harmonie. La fusion qu'il opéra des styles des pays du Nord et de l'art italien représente un tournant important dans l'histoire de la musique.