littérature sapientiale

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

La littérature sapientale (dite aussi littérature de sagesse) a fleuri dans tout le Proche-Orient ancien. C'est principalement parmi les membres des classes dirigeantes que l'on rencontrait les « sages ». Les officiers de la cour (ministres, conseillers, scribes, annalistes) formaient une classe instruite et cultivée, et ils se faisaient volontiers professeurs, transmettant un enseignement visant à rendre capable de bien exercer les fonctions de gouvernement et indiquant la voie à suivre pour conduire avec succès une carrière administrative. C'est ainsi que furent composés les écrits de sagesse : aphorismes et instructions en Égypte, fables et allégories à Babylone, maximes et paraboles imagées en Canaan et en Phénicie.

On ne peut toutefois caractériser le courant sapiential par son seul aspect utilitaire. Les sages étaient très préoccupés par les grands problèmes de l'humanité, notamment par celui du sens que peut avoir l'existence humaine. Ce problème a inspiré des œuvres majeures de la littérature sapientiale, comme la Dispute à propos du suicide en Égypte ou le Livre de Job en Israël.

Les littératures sumérienne et akkadienne ont livré quelques-uns des écrits sapientiaux les plus anciens. Même si, pour les Sumériens, la sagesse est par excellence affaire de tradition orale, les traditions sapientiales ont été mises par écrit dès les débuts de la littérature sumérienne. Il s'agit d'abord des proverbes (maximes, truismes, adages ou dictons), dont on possède plus de 700 exemples, regroupés par les scribes antiques en une vingtaine de collections. Les scribes ont également laissé des énigmes, des « dialogues » et des « débats », joutes oratoires opposant deux personnes ou deux réalités antithétiques personnifiées, chacune vantant ses mérites, comme « l'Été et l'Hiver » ou « l'Araire et la Houe » ; à la fin du texte, une divinité intervient comme arbitre de la dispute, et donne les raisons de son choix. Ces compositions ont pour la plupart été rédigées à l'époque néosumérienne (xxie s. av. J.-C.). Il existait également des recueils de préceptes moraux, tels que les Instructions de Shourouppak à son fils Ziousoudra, ce dernier n'étant autre que le « Noé » du récit sumérien du Déluge.

Les textes akkadiens, que l'on range traditionnellement parmi la littérature sapientiale, appartiennent à des genres littéraires fort divers. Quelques recueils nous ont transmis des proverbes, du type : « Une maison sans propriétaire est comme une femme sans mari. » Il existe également des collections de préceptes et d'admonitions. Les textes que l'on qualifie parfois de « fables » sont en réalité des dialogues entre deux éléments antithétiques, tels que « le Tamaris et le Palmier ». À ce genre, hérité de la littérature sumérienne, peut également être rattaché le dialogue auquel on a donné le titre de Théodicée babylonienne : on y voit deux lettrés s'affronter, strophe après strophe, sur les problèmes essentiels de la morale et de la justice divine. Le problème du mal est également au centre du monologue du Juste souffrant : cet homme accablé de maux et de souffrances fait le récit de son infortune en des termes qui rappellent le Livre de Job. Il existait enfin tout un courant de traditions relatives aux Sept Sages d'avant le Déluge : on ne possède à leur sujet que des anecdotes assez obscures, sauf pour l'un d'eux nommé Adapa, dont la légende raconte comment il monta au séjour des dieux et en revint.

La littérature sapientiale la plus familière à l'Occident reste celle de la Bible, qui fait elle-même maintes fois allusion aux sages des autres peuples (cf. I Rois, V, 10-11 ; Jérémie, XLIX, 7 ; Abdias, 8) et Israël, en effet, a emprunté largement au fonds international (Égypte, Mésopotamie, Canaan) de la sagesse orientale. Mais sa littérature de sagesse a reçu une coloration particulière du fait de son lien avec la religion de Yahvé. Les sages d'Israël, en effet, n'entendent pas délivrer leur enseignement en dehors de la Loi et des Prophètes ; ils sont des disciples de Moïse. C'est pourquoi, en tête de leurs écrits, on pourrait placer cette parole qui est comme leur leitmotiv : « La crainte de Yahvé est le commencement de la sagesse. » (Proverbes, I, 7 ; IX, 10 ; Job, XXVIII, 28)