cpa'p

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Terme de la langue khmère qui désigne les « textes de sagesse » cambodgiens.

La littérature gnomique occupe au Cambodge une place particulière. Elle s'exprime en de courts traités versifiés, d'une langue recherchée, souvent archaïsante, dans des rythmes destinés avant tout à la mnémotechnie. Ces textes, appris par cœur par des générations de Khmers, portent le nom général de cpa'p (mot qui se prononce approximativement chbâp). Ils sont soit gravés sur palmes courtes selon la technique des manuscrits anciens, soit édités en fascicules ou recueils. Leur versification comporte plusieurs types de mètres, dont les plus connus sont : le « pas du corbeau », rythme vif et sautillant, le « chant du brahmane », plus large et solennel, ou encore « la démarche du serpent », onduleux et poétique. Le mot cpa'p lui-même signifie à la fois le contenant et le contenu : le traité, l'exposé, et l'éthique exprimée en maximes, préceptes moraux, règles de bonne conduite « qui ont fait la grandeur du passé ». Formulaire et préceptes sont indissociables, et représentent globalement la sagesse des Anciens. Échos cambodgiens des nitisastra de l'Inde, ils ont été composés à date indéterminée, bien que certains d'entre eux remontent à la fin du xvie s. Ils attestent en tout cas l'époque qui s'étend entre la chute d'Angkor et les temps modernes. Mais leur genre littéraire se poursuivit selon des inspirations nouvelles. Le roi Ang Duong, à la fin du xixe s., passe pour être l'auteur de l'un d'eux, et certains recueils datent du xxe s.

Les plus connus de ces textes sont : le Cpa'p kun cau (« Traité de morale des enfants »), le Cpa'p prus (« Morale des garçons »), le Cpa'p sri (« Morale des filles »), le Tri Net (« les Trois Conduites »), le Bak Cas (« Paroles des anciens »), le Ker Kal (« Glorieux Patrimoine »), le Cpa'p kram (« Recueil de règles »). Ici, l'héritage moral et la culture ne font qu'un. Sagesse quotidienne, fidélité au passé, enseignement et respect du bouddhisme, expérience ancestrale s'harmonisent sans heurt. Le « savoir-être » est transmis du père à ses enfants, de la mère à sa fille mariée, du riche propriétaire à son héritier, du maître à son élève, comme un trésor sans prix, « un pont pour traverser le fleuve de l'existence ».