Wolfram von Eschenbach

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète allemand (vers 1170 – v. 1220).

Noble mais pauvre, il dépend des seigneurs plus riches. À la cour du landgrave Hermann de Thuringe, haut lieu de la poésie médiévale, il sut acquérir, en autodidacte, des connaissances en astrologie, en médecine, en théologie et en littérature. Son œuvre comporte des poèmes lyriques (Minnelieder) et, surtout, trois épopées dont Parzival (1200-1210), une des œuvres les plus lues de tout le Moyen Âge. Les deux dernières épopées sont restées inachevées. Willehalm (vers 1215) est une adaptation de la chanson de geste française des Aliscans et conte les amours de Guillaume d'Orange et ses combats contre les Sarrasins : Wolfram en tire une leçon de tolérance et de vertus conjugales. De Titurel nous ne possédons que deux fragments : le poème ne reprend aucun modèle connu, mais le thème central (les amours tragiques de Sigune et de Schionatulander) apparaît déjà dans Parzival. Par son imagination fertile, son humour, la richesse et la virtuosité de sa langue (qui lui fut reprochée par Gottfried au nom de la « mesure »), Wolfram s'affirme comme un poète original, nullement prisonnier des conventions courtoises dont il acceptait pourtant les valeurs essentielles.

Parzival, poème épique en moyen haut allemand. S'il est aisé de découvrir les emprunts faits au Perceval de Chrétien de Troyes, les origines d'autres personnages et motifs sont plus incertaines : le « poète provençal Kyot » (Guiot ?) auquel Wolfram renvoie a-t-il seulement existé ? Le poème tourne autour de la légende du Graal et de Parzival, même si certains livres sont consacrés aux aventures de Gahmuret, son père, et à ceux des chevaliers de la Table ronde. La quête de Parzival occupe les livres III à VI, puis XIV à XVI. Le livre IX constitue le point culminant. Jusque-là Parzival, par ignorance, par aveuglement ou par orgueil, a laissé échapper les bonheurs auxquels il aspirait et qui semblaient à sa portée : sa place parmi la fleur de la chevalerie, l'amour de la reine Condwiramus et la royauté du Graal. En révolte contre Dieu et contre lui-même, il repart sur les routes. Grâce à l'ermite Trevrizent (livre IX), il apprend à voir ses fautes et à s'en remettre à la grâce divine : il retrouve alors l'estime des chevaliers, l'amour de sa femme, et succède à Gurnemanz à la tête du royaume du Graal. Ce roman de chevalerie est aussi un roman de formation, mais il montre que l'éducation morale (la chevalerie) et l'éducation sentimentale (le mariage) doivent être complétées par une éducation qui apprend à se soumettre à la volonté divine. Cette religiosité intériorisée n'empêche pas Wolfram de s'attarder sur les aventures, les joutes, les fêtes brillantes. Cette synthèse réussie entre le roman de chevalerie et le message religieux qui a fait le succès durable de Parzival n'a été égalée par aucun de ses successeurs, à l'exception toutefois de Richard Wagner (Parsifal, 1882).