William Carlos Williams

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain américain (Rutherford, New Jersey, 1883 – id. 1963).

Poète, essayiste, romancier, il se veut de terre américaine, de langue américaine, dans l'aveu d'un lignage où s'unissent traits anglais, français, espagnols, juifs, et dans la reconnaissance des acquis des arts européens, de la poésie (Yeats) à la peinture (Matisse, le cubisme). Il récuse l'exil et le cosmopolitisme de Pound, le pessimisme et la pose intellectuelle de T. S. Eliot. Ami de Pound, de Hilda Doolittle, il trouve dans l'imagisme le moyen d'échapper au sentimentalisme keatsien qui caractérise Poèmes (1909), et définit, dès 1913 avec les Humeurs, la recherche de l'objectivité et d'une inspiration locale. La poésie de Williams construit ainsi une poétique où l'intention esthétique ne se sépare pas de l'attention au lieu et à la chose, pour faire du texte l'expression d'une présence au réel et à l'histoire. Le poème est ce réel et cette histoire, objet parmi les objets et appel à la lecture du monde. Cette certitude de l'objectivisme, liée à un pragmatisme éminemment américain, transcende la critique et le pessimisme modernistes. Les œuvres des années 1920 (Korè aux enfers, 1920 ; Nouvelette et autres textes en prose, 1921-1931 ; Printemps, etc., 1923) sont marquées par une fascination pour la ruine, la corruption, la maladie. Voyage en Paganie (1928) dit, par le récit de l'expatriation européenne, l'obligation de revenir à l'objet qui existe toujours par lui-même dans le paysage et corrige les stérilités culturelles. Au grain d'Amérique (1925) propose une récriture de l'épopée américaine. Cette fable est aussi celle de l'homme moderne : une quête de l'universel dans le particulier où la littérature est un geste qui va contre toutes les appropriations. L'objectivisme naît du constat que l'objet parle de lui-même par le seul fait de son évidence et de sa localisation. Williams le rappelle : toute description reste un autoportrait, qui par-delà l'égocentrisme subjectif définit le poète et l'objet comme des données égales. Cette poétique trouve sa définition explicite dans la revue Contact et Others : il n'est de poésie que par le contact avec l'objet et la diversité de l'altérité. Cette position est formulée dans l'esthétique des Objectivistes qui comptent dans leurs rangs William Carlos Williams, Louis Zukofsky, George Oppen, Charles Reznikoff. Les Poèmes complets (1954) illustrent cette attention à l'objet, tandis que deux romans, la Mule blanche (1937) et la Fortune (1940), donnent la version réaliste et prosaïque de l'esthétique du lieu, reprise dans la Construction (1952) et dans des récits documentaires : le Poignard des temps (1932), la Vie sur les bords de la Passaic (1938).

La poétique de l'objet ouvre de fait une interrogation sur le mot, la structure du langage et l'imagination. L'instant poétique est celui de la voix qui crée un rythme, distinct de toute prosodie conventionnelle. Ce rythme est celui qui anime la syntaxe et la structure du vers, liant l'objet présent à toutes ses autres images, personnelles, culturelles, historiques. L'objectivisme, dans la reconnaissance de l'instantané, est un cheminement au sein du langage, grâce auquel est possible le retour à la clarté ou à la clarification d'un présent constant. Les derniers recueils poétiques, Poèmes tardifs (1950), la Musique du désert (1954), Voyage vers l'amour (1955), Tableaux d'après Brueghel (1962), font du poème une confrontation avec une altérité qui libère la chose et le mot des contraintes de la détermination langagière. Paterson (5 livres, 1946-1958) retrouve la mythologie de l'Amérique et de la parole. Le temps et le vieillissement font de la poésie une mémoire, non pas une obsession du souvenir personnel, mais une mise en perspective de l'expérience individuelle comme emblématique de l'histoire collective. Paterson, réponse de Williams aux Cantos de Pound, marque l'effort pour faire passer l'Amérique de ses représentations usuelles à une telle intégrité où le fragmentaire et la juxtaposition de textes originaux et de textes trouvés montrent que la poésie n'est pas dans l'opposition entre prose et vers, mais dans l'ouverture mythique à une vision totalisante, potentielle plutôt que dogmatiquement imposée. Autobiographie (1951), essais (1954), correspondances (1957), et pièces de théâtre (Nombreuses amours, 1961) précisent les implications de cette poétique, dessinent la figure du poète-médecin et disent la fidélité constante de l'écrivain aux qualités des choses et des êtres les plus humbles.