William Butler Yeats
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain irlandais (Sandymount, Dublin, 1865 – Roquebrune-Cap-Martin 1939).
Fils d'un portraitiste célèbre, nourri des mystiques rebelles du postromantisme (Morris, Pater, A. E.) qu'il relie à un Orient de rites et de rêves, il trouve dans les brumes rageuses du Sligo un ancrage dans l'au-delà et dans la dignité paysanne un recours contre le Crépuscule celte (1893) : l'ancestral ramènera l'Irlande en deçà des scissions chrétiennes et de la grande coupure industrielle. Proche des « décadents » (les Errances d'Oisin, 1889), il exalte dans son poème le Vent dans les roseaux et, dans ses pièces de théâtre, le sacrifice (la Comtesse Kathleen, 1892 ; Cathleen ni Houlihan, 1902), le déchirement intérieur (le Pays du désir du cœur, 1894), le dépassement du moi par la ritualisation, la danse, le masque et l'ésotérisme. Devenu l'âme de la renaissance irlandaise avec lady Gregory, et cofondateur de l'Abbey Theatre (1904) inspiré du théâtre japonais, il publie une de ses meilleures tragédies en un acte et en vers, Deirdre (1907), et adopte le nô : Quatre Pièces pour danseurs, dont Au puits de l'épervier (1916) conte la mort de Cuchulain. Occultiste (aux côtés de Mme Blavatsky) et militant (sénateur de 1922 à 1928), la « vieillesse » le pousse à une urgence austère qui l'incite à célébrer l'éternité de l'art (Partant pour Byzance ; Byzance), à méditer sur les cycles (la Tour, 1928 ; l'Escalier en spirale, 1929), fondant dans la Vision (1925) des « gyres » (spirales de la métempsycose, cycles historiques récurrents) la danse des communautés humaines. Où Spengler lit le déclin, il annonce (Purgatoire, 1939) le retour d'une aristocratie païenne dont la mystique rachètera l'Histoire : les passions sont saintes et l'homme entrera dans l'éternité porté sur leurs ailes. Mage enraciné qui n'a de cesse qu'il n'ait insufflé la poésie dans l'existence, il porte le chant d'Orphée décapité, prophète du second avènement. « Une terrible beauté vient de naître. » Il a laissé des essais autobiographiques : Enfance et Jeunesse resongés (1915), le Frémissement du voile (1922), Dramatis personae (1935).