Roger Vailland

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain français (Acy, Oise, 1907 – Meillonnas, Ain, 1965).

Après des études au lycée de Reims (où il crée, avec J. Sima, Daumal et Gilbert-Lecomte, le groupe des simplistes, qui sera à l'origine du Grand Jeu) puis à Paris, il approche les surréalistes, qui condamnent (1929) son activité journalistique, en particulier l'apologie qu'il aurait faite du préfet Chiappe. Devenu compagnon de route du parti communiste (avec lequel il prendra ses distances en 1956 après l'invasion de la Hongrie), il participe au conflit mondial comme correspondant de guerre et combat dans la Résistance. En 1948, il travaille avec Claude Roy à l'hebdomadaire Action. La même année, son pamphlet le Surréalisme contre la révolution règle ses comptes avec Breton et ses amis, déjà évoqués dans Drôle de jeu (1945). Dans ses romans (les Mauvais Coups, 1948 ; Beau Masque, 1954 ; la Fête, 1960 ; la Truite, 1964), toujours de facture serrée, il tente de concilier l'engagement marxiste contre l'injustice de la hiérarchie sociale (325 000 francs, 1955, qui dénonce l'aliénation ouvrière) avec le détachement aristocratique et volontiers cynique d'un dandy moderne (Monsieur Jean, 1959), en héritier du xviiie siècle libertin dont il garde la nostalgie (en témoignent ses essais Laclos par lui-même, 1953 ; Éloge du cardinal de Bernis, 1956 ; le Regard froid, 1962). Marqué par cette tension entre militantisme et idéal individualiste, la Loi (prix Goncourt, 1957) a pour cadre un pauvre village des Pouilles, dans une région qui meurt : la terre s'appauvrit, le commerce périclite, les pauvres ne subsistent que de rapines, les notables s'ennuient, leurs femmes les trompent sans entrain. Le maître des lieux, Don Cesare, voit ses désirs s'affadir comme les fruits de son verger. Seul un ancien quartier-maître de la marine, Brigante, enrichi par la prostitution de sa femme et ses propres intrigues, aspire à l'élévation sociale, à un poste administratif. Il parviendra à faire que la société compte avec lui, face aux privilèges d'une aristocratie épuisée. Que la loi émane des féodaux ou des nouveaux pouvoirs, plus marginaux ou plus souterrains, il faut, pour vivre, être suffisamment fort ou adroit pour changer l'espace du jeu et imposer ses propres règles.