Thomas Carlyle
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain écossais (Ecclefechan 1795 – Londres 1881).
Fils de maçon, il enseigne les mathématiques (1814), reprend ses études (1819) et, après trois ans de misère désespérée, subit l'illumination « par haine du Diable, non par amour de Dieu ». Fervent de Goethe et de Byron, il traduit Wilhelm Meister (1824). Il tente une apologie grotesque de sa conversion dans Sartor resartus (le Tailleur retaillé, 1833), philosophie des vêtements où le mysticisme autoritaire se pare de bouffonnerie : c'est la dénonciation la plus violente et la plus drôle de la « civilisation » au nom des valeurs calvinistes. Il attaque sa grande œuvre, l'Histoire de la Révolution française (1837). La particularité de cette œuvre, ses outrances, en font l'un des monuments les plus remarquables de l'historiographie romantique. L'élément radical de sa dénonciation anticapitaliste (le lien monétaire substitué à toutes les relations humaines) lui vaut la sympathie de Marx. Le Chartisme (1839) s'intéresse au mouvement ouvrier anglais, dont la lutte pour le suffrage universel masculin devait s'avérer vaine. Dans les Héros et le culte des héros (1841), à travers l'évocation de Mahomet, Cromwell, Napoléon, Dante ou Shakespeare, Carlyle fait de la foi le moteur de l'histoire et du destin de l'humanité – ce dont quelques esprits marqués par la grâce divine font parfois prendre conscience aux foules passives ou avilies. Devant le double développement de la puissance industrielle de l'Angleterre et de la misère populaire, Passé et Présent (1843) réclame un changement radical de conception de vie, un système fondé sur une révolution intérieure, une ascèse spirituelle (il ne faut plus être esclave de soi-même pour espérer libérer les autres) dont le modèle est dans le passé, tout particulièrement dans un Moyen Âge qui prend des allures mythiques. Contre l'oligarchie de l'argent et la démocratie irresponsable, Carlyle prône une aristocratie de l'esprit et du cœur. Ces œuvres vitupèrent le « laisser-faire » et pleurent la grandeur passée, ils annoncent l'homme fort et la caste supérieure qui viendront rétablir l'ordre médiéval contre le chaos bourgeois et l'anarchie démocratique. Prophète courroucé d'un ordre nouveau fondé sur les valeurs anciennes, dont il prédit l'avènement en Allemagne et dans l'Islam, apôtre d'une histoire spiritualisée en termes lyrico-apocalyptiques, Carlyle est le Michelet de l'ordre.