Władysław Stanisław Reymont

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain polonais (Kobiele Wielkie 1867 – Varsovie 1925).

Fils d'un organiste de village, tour à tour apprenti tailleur, acteur ambulant, novice à Jasna Góra, médium, surveillant des voies de chemin de fer, sans avoir jamais fréquenté l'école, il se cultive seul, lit beaucoup de traductions (il ne connaît aucune langue étrangère). Installé à Varsovie (1893), il envoie ses premières nouvelles à des journaux, parmi lesquels Głos, qui le charge de suivre un groupe de pèlerins de Częstochowa : son récit, Pèlerinage à Jasna Góra (1895), le fait connaître. Deux romans, Une comédienne (1896) et Ferments (1897), brossent un tableau de mœurs qui porte la marque du décadentisme de la Jeune Pologne naissante. Ils dépeignent le désenchantement d'une héroïne trop rêveuse dans un théâtre misérable d'abord, dans un manoir de hobereaux ensuite. Dès cette époque, Reymont affirme sa préférence pour le monde paysan qu'il connaît bien, qu'il valorise à l'instar des auteurs de la Jeune Pologne. Paradoxalement, il l'exprime dans un roman sur l'industrialisation naissante. Écrit sur commande, la Terre promise (1897-1899) devait être une œuvre à la gloire du progrès technique, et chanter la vertigineuse industrialisation de Lódź. Reymont y dépeint un milieu d'arrivistes malhonnêtes, prompts au crime et la misère du prolétariat arrivé de la campagne et désormais sans repères. Il reçoit le prix Nobel (1924) pour les Paysans (1902-1909), son chef-d'œuvre. À travers trois récits qui s'enchevêtrent (une année du village de Lipce avec ses travaux rythmés par les saisons, la vie quotidienne des paysans avec leurs soucis, leurs fêtes et leurs deuils, et la saga tragique et passionnée de la famille Boryna), le romancier crée une atmosphère de fruste grandeur. De magnifiques tableaux de la nature, de moins en moins marqués par le style artiste de la Jeune Pologne, des portraits d'un pittoresque sans gratuité, une langue paysanne à laquelle sa stylisation confère une particulière noblesse et d'extraordinaires mouvements de foules font de ce roman un « long poème » épique. En marge du courant littéraire de la Jeune Pologne à laquelle il n'a jamais pleinement appartenu, mêlant l'observation réaliste et le symbole, à la fois naturaliste et esthète, Reymont reste, à l'aube du xxe s., l'irremplaçable chantre d'une Pologne paysanne.