Pascal Quignard

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain français (Verneuil-sur-Avre 1948).

Petit-fils du linguiste Charles Bruneau, fils de professeurs de lettres classiques, il nourrira toute son œuvre de ses humanités, de sa culture antique, jusques et y compris Terrasse à Rome (2000). Traducteur de Lycophron (1971), adaptateur de Kong-souen Long (1990), exégète de Maurice Scève (la Parole de la Délie, 1974), de Michel Deguy (1975) et de Louis-René Des Forêts (le Vœu de silence, 1985), il se livre à une méditation sur la littérature, du point de vue de la réception (le Lecteur, 1976) mais aussi depuis l'« ermitage » du créateur (Rhétorique spéculative, 1995). Ses Petits Traités (1981-1990) témoignent de la continuité de sa réflexion et d'un savoir foisonnant dans plusieurs domaines artistiques.

Tentée par la poésie (Sang, 1976 ; Hiems, 1977 ; Inter aerias fagos, 1979), tendue entre fragmentation (les Tablettes de buis d'Apronemia Avitia, 1984) et désir de complétude (Une gêne technique à l'égard des fragments, 1986), l'esthétique de Quignard ressortit à la Frontière (1992). Celle qui sépare euphorie des sens et cauchemars intimes (Albucius, 1990 ; le Sexe et l'Effroi, 1994 ; Vie secrète, 1998), celle dont témoignait déjà le premier livre, un essai sur Sacher-Masoch (l'Être du balbutiement, 1969), celle qui unit la dépression du langage (Carus, 1979) et le Nom sur le bout de la langue (1993), celle où s'abîme la distinction entre la Raison (1990) et la passion, celle des clairs-obscurs de Georges de La Tour (1991). La frénésie de collection (les Escaliers de Chambord, 1989) ne dissimule guère le sentiment de déréliction ni les contrepoints dubitatifs de ce romancier baroque, disciple d'Euterpe, du Salon du Wurtemberg (1986) à la Haine de la musique (1996), en passant par la Leçon de musique (1987), Tous les matins du monde (1991) ou l'Occupation américaine (1994).