Pedro Calderón de la Barca

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète dramatique espagnol (Madrid 1600 – id. 1681).

Né dans une famille lettrée récemment anoblie, il appartient à cette noblesse « moyenne » qui défend ses privilèges et ses valeurs avec une ardeur ignorée de la haute aristocratie. De bonnes études chez les jésuites de Madrid, un séjour à l'université d'Alcalá de Henares puis à celle de Salamanque (1615), où il fait son droit canon, précèdent l'éveil de la vocation littéraire inaugurée par la participation à un concours poétique en l'honneur de saint Isidore le Laboureur (1620). Mais une rixe à laquelle il est mêlé le contraint à chercher un protecteur (1622), le connétable de Castille : il mènera une double, voire triple, carrière de soldat, de courtisan et de poète, servant dans les Flandres et le Milanais, au siège de Fontarabie (1638), en Catalogne (1640). Passé au service du duc d'Albe (1642), il entre dans les ordres (1651), reçoit les charges de chroniqueur du tiers ordre et de chapelain des « Rois Nouveaux » de Tolède, puis devient (1666) chapelain principal de Charles II. Sa mort marque la fin du siècle d'or de la littérature espagnole.

Ses premières œuvres sont des comédies de cape et d'épée destinées à la jeunesse dorée de Madrid (Aimable Fantôme, 1629). Sa première comédie, Amour, Honneur et Pouvoir (1623), annonce déjà les thèmes essentiels qui animeront son art. Mais bientôt, à travers une réflexion sur le théâtre (le Principe martyr, 1629), les situations dramatiques virent aux conflits moraux et aux débats spirituels (l'Alcade de Zalamea, le Magicien prodigieux). Enfin, lorsqu'à partir de 1651 Calderón n'écrit plus que sur commande (comédies pour les fêtes de la Cour, autos sacramentales pour la ville de Madrid), il crée, sur des thèmes mythologiques ou chevaleresques, une sorte de spectacle complet, variété d'opéra où le livret est une véritable pièce psychologiquement et scéniquement élaborée (Écho et Narcisse, 1661 ; Prométhée idolâtre, v. 1672). Les trois moments de sa dramaturgie reposent cependant sur une vision du monde unique : la vie est un conflit qui ne trouve sa raison et sa solution que dans l'au-delà ; le monde – nature et société – n'est qu'apparences dont joue la Providence pour la plus grande gloire de Dieu. Moins habile dramatiquement que Lope de Vega ou que Tirso de Molina, Calderón est un maître dans l'art de rendre dramatiques des idées philosophiques ou religieuses. Pièce universellement célébrée, La vie est un songe (1631-1635) est toute frémissante d'une fort belle poésie métaphysique. Sigismond, le jeune fils du roi, promis par la foi d'un oracle à la ruine du royaume, comprend avant qu'il ne soit trop tard que « la vie est un songe dont la mort est le réveil ». C'est ce que redisent à satiété les quelque quatre-vingts autos sacramentels de Calderón, qui comptent parmi les chefs-d'œuvre du théâtre liturgique et où, à travers les combats allégoriques, le temps a déjà saveur d'éternité (la Noble Dame de la vallée, les Charmes de la faute, le Festin du roi Balthazar, le Grand Théâtre du monde, le Labyrinthe du monde), ainsi que ses « moralités » (Psyché et Cupidon, le Divin Orphée).

S'il a emprunté à Lope de Vega – dont il est dans l'histoire du théâtre espagnol le grand successeur – les conventions de la comédie (trois « journées » ou actes, chacun de mille vers, octosyllabes ou hendécasyllabes groupés en laisses ou en strophes ; une douzaine de personnages figés dans des « emplois » immédiatement repérables, tels le chevalier, le barbon, le gracioso, bouffon porte-parole de l'auteur ; une double action qui s'achève sur un dénouement heureux), Calderón a tenté d'innover avec la zarzuela (du nom du pavillon de chasse royal où eurent lieu plusieurs représentations), où la musique et la mise en scène inspirée des œuvres lyriques italiennes ouvrent une nouvelle perspective sur l'action dramatique (la Rose pourpre), accentuant la distance que l'auteur (et le spectateur) prend avec l'œuvre : si la vie n'est qu'un songe, le théâtre n'est qu'illusion. C'est donc au-delà qu'il faut chercher la vérité. Dans la Dévotion à la Croix (1634), le merveilleux se mêle ainsi naturellement à l'action.

Célébré par Lessing (Dramaturgie de Hambourg), imité par Schiller, pris par W. Schlegel comme exemple de sa théorie du romantisme, Calderón survit par cela même qui enracinait son entreprise dans son époque : faisant de l'aventure galante et tragique (Aimer au-delà de la mort, le Médecin de son honneur), du fait divers et de la chronique historique, de la fable et du miracle eucharistique les éléments hétérogènes d'un seul et même destin, où toute contradiction se résout dans un dépassement spirituel, il donnait du même coup à toute époque de leurres et de faux prophètes une terrible leçon de réalité.