Marina Ivanovna Tsvetaïeva
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Poétesse russe (Moscou 1892 – Elabouga 1941).
Révolutionnaire dans son œuvre poétique, Tsvetaïeva est, par ses origines, par ses choix, une figure tournée vers le passé : rattachée par sa famille à l'ancienne intelligentsia moscovite, elle choisira le Camp des cygnes, selon le titre d'un recueil de 1919, pour suivre son mari, Segeï Efron, officier de l'Armée blanche. De formation principalement autodidacte, elle ne sépare pas la poésie de l'existence même. C'est ce qui fait déjà l'originalité de son premier recueil, l'Album du soir, publié à ses frais en 1910, qui réunit des souvenirs d'enfance : les événements quotidiens, les repas, les jeux, le coucher, y sont sur le même plan que les sensations, les émotions. Pendant la révolution et la guerre civile, la jeune poétesse mène à Moscou une existence matériellement difficile (sa deuxième fille meurt de faim en 1920), mais elle continue d'écrire (Verstes, 1921 ; le Métier, les Petites Ruelles, 1922). En 1922, elle rejoint son mari à Prague (la Sibylle, 1922 ; les Arbres, 1923), puis à Paris (Poème de la montagne, Poème de la fin, 1926). Une nostalgie intense pour son pays inspire à Tsvetaïeva – isolée au sein même de l'émigration – le magnifique recueil Après la Russie (1928). Elle trouve un soutien spirituel déterminant dans une Correspondance à trois, avec Rilke et Pasternak. Efron fait de l'espionnage pour les Soviétiques et, en 1929, il faut « rentrer » en U.R.S.S. ; la misère la plus noire y attend Tsvetaïeva qui, incapable de résister aux persécutions, se pend.
La langue poétique de Tsvetaïeva n'a rien de « construit » : elle semble épouser le « flot de conscience », ce qui conditionne une écriture toute en ruptures (sémantiques, syntaxiques), mais aussi en glissements (l'enjambement est un procédé tsvetaïevien par excellence). Elle accorde une importance énorme à l'intonation, transcrite au sein du poème par un signe, le tiret, qu'elle dispose aux articulations du vers, et qui matérialise dans la voix ces ruptures et ces glissements.