Marcel Jouhandeau

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain français (Guéret 1888 – Rueil-Malmaison 1979).

« Notaire de la vie », il soigne l'anecdote, le propos, le conte bref, le trait, le portrait et la silhouette. Ce qu'il lui faut, c'est surprendre l'homme « en flagrant délit d'humanité ou d'inhumanité ». Pour cela, la peinture des âmes « les plus simples » est aussi précieuse que celle des esprits les plus complexes. Dieu et le diable ne sont jamais loin – et ce que Jouhandeau dit du premier peut être vrai aussi du second : « Dieu est le milieu ambiant qui nous relie à toutes choses et à toutes gens ». La vie et le moi sont les valeurs sûres, qui mettent en jeu, sans aléas discursifs, les clivages traditionnels : ciel et enfer, continence et péché, amour et haine, ouverture sur les autres et réalisation de soi-même, générosité profonde et certitude têtue d'être le meilleur (« Dieu est grand et moi aussi »). Davantage que dans ses contes et ses nouvelles (les Pincengrain, 1924 ; Prudence Hautechaume, 1927), plus que dans la chronique provinciale de Chaminadour (1934-1941), qui évoque sa ville natale, ou que dans ses romans (la Jeunesse de Théophile, 1921 ; les Térébinthe, 1926 ; Tite-le-long, 1932 ; M. Godeau marié, 1933), le meilleur de son œuvre est à chercher dans les réflexions que lui suggère le spectacle de son propre moi. Essai sur moi-même (1946), Réflexion sur la vieillesse et la mort (1956), Mémorial (1948-1972) sont autant de textes marqués par l'introspection – d'aucuns ont dit du narcissisme. Au fil des 28 volumes que constituent les Journaliers (1961-1982), l'auteur arrive à constituer, par notations et approches successives, un monde complet dont il est le centre, mais nullement le seul acteur. Œuvre de moraliste, ces carnets découvrent un univers à la fois heureux et accidenté, et un être qui, libéré de tout, sait circuler et choisir, murmurer et protester, accepter et dévoiler, dans un double mouvement d'humilité et d'orgueil. Les Chroniques maritales (1938-1943) proposent quant à elles le compte-rendu de l'affrontement conjugal quotidien avec « Élise », la danseuse Élisabeth Toulemon épousée en 1929. Avec celle-ci, jusqu'à sa mort en 1970, l'écrivain poursuit le jeu de la dénonciation et de l'« abjection », aiguisé par un érotisme homosexuel considéré comme un art (Pages égarées, 1980 ; Bréviaire, portrait de Don Juan, Amours, 1981).