Johann Paul Friedrich Richter, dit Jean Paul

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain allemand (Wunsiedel 1763 – Bayreuth 1825).

Fils de pasteur, il acquiert, en marge de ses études au lycée de Hof puis à l'université de Leipzig, une culture encyclopédique. Il se situe dans la lignée de Swift, de Sterne, de Hippel, et surtout de Rousseau dont il est proche tant par ses préoccupations autobiographiques que par un déisme sentimental adopté au sortir d'une crise grave où l'ont jeté l'expérience de la misère et la mort de proches et d'amis. Sa vie et son œuvre se placent sous le signe du dédoublement : Johann Richter, alias Jean Paul, déclare vouloir « jouir de son moi en se dédoublant », et le personnage du double réapparaît dans tous ses romans. Soumis au poids du quotidien, mais hanté par les visions de son imagination, Jean Paul oscille entre l'univers sublime de ce qu'il appelle « le roman à l'italienne » et le monde paisible de l'idylle « à la hollandaise », et cherche une troisième voie, dite « à l'allemande », où l'humour, composante spécifique de son écriture, se veut critique mais non destructeur. L'œuvre de Jean Paul, éditée une première fois en soixante volumes entre 1826 et 1838, comporte des esquisses, des nouvelles, des écrits théoriques sur la littérature et l'esthétique, des traités pédagogiques et sept grands romans relevant de deux sources d'inspiration. Parmi ces romans, les uns sont des idylles humoristiques évoquant la vie quotidienne de héros ordinaires : maître d'école, professeur de lycée, ou avocat des pauvres, comme son Siebenkäs (1796-1797, revu en 1818), personnage englué dans un univers provincial, d'où il réussit cependant à s'échapper en s'incarnant dans son double, Leibgeber, au terme d'un simulacre de mort (autre thème favori de l'auteur). Les autres sont inspirés du roman noir, alors à la mode, enrichi de digressions et de fantasmagories. Certains de ces romans, parfois inachevés, ont connu un très grand succès. Le plus caractéristique d'entre eux, Titan, paru en quatre volumes entre 1800 et 1803, montre des personnages emportés avec leurs doubles dans une intrigue pleine de rebondissements dramatiques et de mystères. Le sentimentalisme larmoyant s'y mêle au fantastique, le monde radieux de l'idéal, aux descriptions humoristiques de la réalité quotidienne. Ce roman est aussi un tableau ironique de son temps, une satire de l'univers des petites cours et de la bourgeoisie allemandes et une condamnation du « titanisme » de la jeune génération du Sturm und Drang. Malgré tout son « romantisme », ce roman d'éducation, aussi inclassable que toute l'œuvre de Jean Paul, débouche sur l'idylle et se réfère en fin de compte à l'idéal d'harmonie prôné par le classicisme de Weimar.