Jean Calvin

de son vrai nom Jehan Cauvin

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Théologien protestant et écrivain français (Noyon 1509 – Genève 1564).

Destiné à l'Église, le jeune Calvin, après avoir été élève à Orléans et à Bourges, suit les cours de grec et d'hébreu de Vatable à Paris. Dès 1528, il est gagné aux idées des évangélistes. En 1533, la harangue qu'il rédige pour Cop, recteur de l'université de Paris, et dans laquelle il affiche clairement ses convictions, l'oblige par crainte des représailles de la Sorbonne à quitter Paris. Un an plus tard, l'affaire des Placards le contraint à un nouvel exil. Réfugié à Bâle, il publie en 1536 la première version, en latin, de l'Institution de la religion chrétienne ; de Bâle, il gagne Genève. Il y régnera en maître absolu jusqu'à sa mort, animé d'une intransigeance doctrinale qui l'amènera à sanctionner impitoyablement tous les fauteurs d'hérésie (il exilera Castellion et fera monter Servet sur le bûcher).

L'Institution de la religion chrétienne (1541) est le premier ouvrage important de philosophie morale et religieuse en français. Son auteur a dû forger lui-même l'outil linguistique et rhétorique qu'aucune tradition vernaculaire ne mettait à sa disposition. Mais Calvin n'est pas seulement l'un des fondateurs de la prose française moderne : il est aussi le théoricien d'une esthétique originale dont l'influence a marqué profondément les écrivains protestants de la seconde moitié du xvie s., ainsi que beaucoup d'écrivains du xviie s. Pour Calvin, l'artiste véritable est celui qui parvient à communier avec la création divine et à en restituer la beauté. Ce qui implique de sa part, outre un savoir-faire technique, une parfaite pureté de cœur : à côté de la beauté d'origine divine, il existe en effet une fausse beauté, satanique et séductrice, que Calvin stigmatise dans Des scandales (1550), dirigés contre les « cicéroniens » français Étienne Dolet, Pierre Bunel, Simon de Neufville. Si l'écrivain conserve son âme pure, il lui est alors donné de participer réellement à l'œuvre divine. Par l'accent qu'elle met sur le pouvoir créateur de l'art et, plus généralement, de toute activité spirituelle de l'homme, l'esthétique calvinienne fait sienne l'une des idées-forces de l'humanisme : celle de l'autonomie créatrice de l'esprit humain. Les maîtres mots de cette esthétique sont la rigueur, la simplicité et la sobriété de l'expression – une sobriété qui n'exclut pas l'usage des figures, celui des métaphores notamment, pour autant qu'elles augmentent la force et le pouvoir d'attraction de la pensée. Grand amateur de poésie, Calvin s'y adonna en traduisant quelques psaumes. Mais, surtout, c'est lui qui incita Marot, exilé à Genève, à poursuivre sa traduction des Psaumes, frayant à la poésie une voie nouvelle, celle du lyrisme chrétien, sur laquelle devaient s'engager tant de poètes des xvie et xviie s. C'est également de Calvin que procède, au xvie s., une poésie spécifiquement protestante (celle de Simon Goulart, de Christophle de Gamon) qu'il marque profondément, dans ses thèmes comme dans son style.