Jean-Antoine de Baïf

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète français (Venise 1532 – Paris 1589), fils naturel de Lazare de Baïf.

Comme Du Bellay, Baïf s'essaya d'abord dans le genre de la poésie amoureuse à la manière italienne. Les Amours de Méline (1552) et les Amours de Francine (1555), imitées des Canzoniere de Pétrarque, de Bembo et de leurs épigones, mais aussi des néolatins (Second, Navagero, Sannazzaro) et de l'Anthologie grecque, offrent une grande diversité formelle : à côté du sonnet, forme canonique du Canzoniere, une place importante y est accordée (notamment dans les livres III et IV des Amours de Francine) à différents types de mètres et de combinaisons strophiques. À cette diversité formelle correspond une assez grande variété de tons et de registres : au style tendu, au raffinement sentimental et rhétorique des sonnets s'oppose notamment le lyrisme plus familier, souvent « mignard », des chansons. Baïf se tourna aussi vers d'autres genres, comme celui de la poésie scientifique, avec les Météores (1567), imités d'une œuvre de l'Italien Pontano datant de la fin du xve siècle.

Mais ce n'est qu'en 1572 que Baïf, en publiant, sous le titre d'Euvres en rime, la première édition collective de ses œuvres, montrera véritablement la diversité de son talent. Quatre livres : un d'Amours (remaniement des Amours de Méline et des Amours de Francine), un de Poèmes, un de Jeux, un de Passetemps. Le livre des Poèmes doit l'essentiel de son originalité au trait commun qui unit l'ensemble de ses pièces : la forme narrative. Les principaux modèles de Baïf sont ici les alexandrins, l'Ovide des Métamorphoses et l'Arioste, mais, au contraire de Ronsard, il privilégie les scènes érotiques au détriment des épisodes épiques et guerriers. C'est cette inspiration que prolongent les églogues du livre des Jeux. Dernier volet des Euvres en rime, les Passetemps sont un recueil d'épigrammes (petits poèmes d'amour, pièces satiriques, épitaphes, étrennes...).

Deux tâches occupèrent les années de vieillesse de Baïf : la rédaction des Mimes, enseignements et proverbes (1576-1581), constitués de maximes et de proverbes mis bout à bout, et la traduction du Psautier. Cette traduction (entreprise après 1565, d'abord en vers mesurés, puis en vers latins, enfin en vers rimés) se rattache, du moins dans sa première version, à l'innovation la plus notoire de Baïf dans le domaine de la poétique : l'invention du vers français mesuré sur le modèle du mètre antique – invention inaugurée avec les Étrènes de poézie fransoèze (1574) et poursuivie, en 1586, avec les Chansonnettes. Innovation doublée, dans ces trois recueils, de son indissociable complément : l'instauration d'une orthographe phonétique destinée à transcrire exactement la prononciation de chaque syllabe. Ces préoccupations sous-tendent la création par Baïf en 1570, avec le soutien du roi Charles IX, de l'Académie de poésie et de musique et répondent au désir d'associer intimement la poésie et la musique (Baïf pensait que les vers mesurés se prêteraient mieux que les vers rimés à la mise en musique).

La curiosité de Baïf ne s'est point limitée au domaine poétique. Avant même de composer ses Amours, il avait songé à écrire une tragédie du nom de Cléopâtre, et passait, aux yeux de ses camarades de la Brigade, pour le futur dramaturge de l'équipe. De cette production dramatique il subsiste deux comédies : le Brave (représenté à Paris en 1567) et l'Eunuque, et une tragédie, adaptées respectivement de Plaute, de Terence et de Sophocle.