Isaïe

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Le prophète Isaïe, dont le nom signifie « Yahvé est salut », a exercé son activité de 740 à environ 700 av. J.-C., sous quatre règnes, celui d'Ozias (mort en 740), de Yotam (740-736), d'Achaz (736-716) et d'Ézéchias (716-687). La tradition qui fait d'Isaïe un martyr est certainement apocryphe (cf. le pseudépigraphe intitulé Ascension d'Isaïe et Hébreux, XI, 37), car il semble bien, d'après la suscription du livre (Isaïe, I, 1) qu'il n'était plus en vie au temps du roi persécuteur Manassé.

Dans la Bible hébraïque, le livre qui porte le nom d'Isaïe est placé en tête des prophètes dits « postérieurs », par opposition aux « prophètes antérieurs » (Josué, Juges, I et II Samuel, I et II Rois). Il est suivi des livres de Jérémie, d'Ézéchiel et des douze « Petits Prophètes ». Dans la version des Septante, le Livre d'Isaïe prend place après les douze Petits Prophètes, avant Jérémie, Ézéchiel et Daniel. Dans la Vulgate, le Livre d'Isaïe vient en tête des prophètes, et il est suivi de Jérémie, Ézéchiel, Daniel et des douze Petits Prophètes. Les versions modernes de la Bible (Bible de Jérusalem, Bible Osty-Trinquet) ont adopté cet ordre.

Comme l'indique sa suscription (Isaïe, I, 1), la totalité des 66 chapitres qui composent ce livre – l'un des plus longs de la Bible –, est attribuée à Isaïe, fils d'Amos. En fait, le Livre d'Isaïe, véritable somme de la prophétie d'Israël, réunit les prophéties de plusieurs inspirés appartenant à la même école, mais distincts et d'époques différentes. Il comprend trois grandes parties : a) I-XXXIX : Isaïe (740-700) ; b) XL-LV : Deuxième Isaïe (550-539) ; LVI-LXVI : Troisième Isaïe (ve s.).

Les collections des oracles du prophète Isaïe, fils d'Amos, sont réunies dans les chapitres I à XXXIX selon un schéma conventionnel auquel elles ont dû se plier non sans résistance, et qui se retrouve dans presque tous les livres prophétiques, en particulier ceux de Jérémie et d'Ézéchiel : oracles de jugement sur Israël ; oracles de malheur sur les peuples étrangers ; promesses de salut pour Israël. De cet ensemble il est pratiquement impossible de reconstituer la formation. Certains oracles ont sans doute été rassemblés par Isaïe lui-même (Isaïe, XXX, 8). C'est le cas du « Livret de l'Emmanuel » (VI, 1-VIII, 23) qui regroupe les oracles relatifs à la guerre syro-éphraïmite (735-736). D'autres l'ont été par le cercle de ses disciples (Isaïe, VIII, 16). Certains textes ont été ajoutés à une époque tardive : des oracles contre Babylone (Isaïe, XIII ; XIV, 22-23), et les deux ensembles que l'on appelle la « Grande Apocalypse d'Isaïe » (XXIV-XXVII) et la « Petite Apocalypse d'Isaïe » (XXXIV-XXXV). L'auteur des chapitres XL à LV, que l'on appelle Deuxième ou Second Isaïe, a vécu à la fin de l'exil babylonien, au ve s. av. J.-C. Son intervention se situe très précisément entre les années 550 et 539, c'est-à-dire entre les premiers succès remportés par Cyrus et sa victoire définitive contre Babylone. À ses compatriotes exilés, il annonce le retour en Terre sainte ; ce retour sera un nouvel Exode, plus beau que le premier (XL-XLVIII), et Sion (Jérusalem) connaîtra une restauration éblouissante (XLIX – LV). Dans cet ensemble auquel on a donné comme titre « Livre de la Consolation », on a isolé quatre textes (XLII, 1-7 ; LIX, 1-9b ; L, 4-9a ; LII, 13-LIII, 16) que l'on appelle « Chants » ou « Poèmes du Serviteur ».

La troisième partie du Livre d'Isaïe (LVI-LXVI) est un recueil d'oracles prononcés par plusieurs prophètes anonymes, depuis le retour de l'Exil (538 av. J.-C.) jusqu'à l'époque de Néhémie. Ces oracles ont pour cadre les joies et les déceptions de la restauration. Une énorme désillusion a suivi le retour des exilés : les murailles de Jérusalem restent démantelées ; le Temple demeure en ruine (cf. LVIII, 12 ; LXI, 4 ; LXIV, 9) ; la communauté jérusalémite, qui souffre de dissensions intérieures, connaît une période de relâchement. Ses prophètes luttent contre le découragement en dénonçant le péché (Isaïe, LIX, 1) et en annonçant un merveilleux avenir : la Jérusalem future (LX, 1-22), et, au-delà, dans un avenir plus ou moins lointain, un monde complètement nouveau (Isaïe, LXV, 17-25 ; LVI, 22).