Abd Allah Ibn al-Muqaffa

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain arabe (Djur ? v. 720 – v. 756).

Il représente le modèle de ces fonctionnaires de la chancellerie impériale du califat 'abbasside, souvent non arabes d'origine, mais qui créèrent, pour les besoins de l'administration, une langue résolument ouverte sur le monde alors en train de naître. Ils firent mieux : rompus à cet exercice, ils l'élargirent à la composition d'œuvres littéraires, si bien que lettré et fonctionnaire devinrent bientôt, en nombre de cas, synonymes. Autre caractéristique : leur origine même les fit souvent militer pour l'avènement d'une civilisation originale exprimée en arabe et éclairée par l'islam, mais où toutes les composantes de ce nouveau monde devaient voir assigner leur juste place à leurs cultures respectives. C'est dans ce contexte, où l'on lutte sans cesse pour le pouvoir, que se déroule la carrière administrative et politique d'Ibn al-Muqaffa', carrière mouvementée et brève, terminée par un épouvantable supplice. Le miracle est que, en si peu d'années, cet homme ait pu tant donner.

Il a traduit, du persan en arabe, des ouvrages sur l'histoire, les traditions et les institutions de l'Iran prémusulman, et surtout un recueil de fables, Kalila et Dimna, que l'on peut tenir à bon droit pour l'un des chefs-d'œuvre de la littérature universelle. L'ouvrage, qui remonte, par-delà le persan, à des originaux indiens, porte le nom des deux chacals héros de la fable principale. Il est conçu selon le modèle du « miroir des princes », soit un recueil de conseils, souvent en forme de maximes, illustrant une conduite idéale de gouvernement. Le livre, traduit en diverses langues, connut une prodigieuse fortune qui estompa parfois certains traits de l'original, mais on n'aura garde d'oublier que celui-ci s'inscrit dans les perspectives et la culture chères à Ibn al-Muqaffa' : l'auteur y dessine, selon une morale pratique et rationaliste, un État qui trouve son fondement non dans la religion, mais dans un droit spécifique inspiré par la justice et l'efficacité.