Hermann Hesse

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain allemand, naturalisé suisse en 1923 (Calw, Wurtemberg, 1877 – Montagnola, Tessin, 1962).

Personnalité contradictoire, marquée par une éducation stricte (Âme d'enfant, 1920), une rébellion contre toute forme d'autorité (l'Ornière, 1906) et l'incapacité de choisir un métier, il oscillera toujours entre les deux « piliers-principes » du monde : révolte/nostalgie de l'ordre, errance/fixation, tradition/modernisme, Occident/Orient. Après les poèmes des Romantische Lieder (1899), son premier roman (Peter Camenzind, 1904), d'inspiration romantique et reflétant « la part rêveuse, oublieuse et paisible de lui-même » (Blanchot), le prix Nobel lui assure la consécration en 1946. Ses prises de position pacifistes lui valent dès 1914 des haines irréductibles. Une crise (cure de psychanalyse en 1916) lui fait concevoir la littérature comme le moyen d'exprimer ses conflits, déjà présents dans Rosshalde (1914) et chez le vagabond Knulp (1915). Ainsi, Demian (1919) décrit deux mondes, celui de la sécurité familiale et morale et celui des interdits, plus fascinant que l'autre, tandis que Siddharta (1922), récit hindou qui sera « redécouvert » par la jeunesse américaine des années 1960, montre que la sagesse ne peut être acquise qu'au bout d'un long périple, en dehors des canons traditionnels (éducatifs et religieux). Si le Loup des steppes (1927) est un roman grinçant et chaotique, Narcisse et Goldmund (1930) se distingue par sa sérénité et un retour à la forme classique de « l'errance éducative », celle d'un jeune artiste qui, dans un Moyen Âge tourmenté, parfait sa vocation. Autodidacte, Hesse, qui a fait un séjour en Inde en 1911, étudie la pensée orientale (Voyage en Orient, 1932) en y cherchant l'unité du moi, dont la nostalgie apparaît tout au long de son œuvre dans des couples de personnages complémentaires, où l'un, qui se cherche, a besoin de l'aide de l'autre, qui choisit un chemin différent ou lui ouvre des horizons inconnus (Giebenrath/Heilner dans l'Ornière ; Sinclair/Demian ; Govinda/Siddharta ; Haller/Hermine dans le Loup des steppes ; Goldmund/Narcisse) : synthèse qu'il tentera de réaliser dans l'apothéose qu'est son dernier roman, le Jeu des perles de verre (1943).

Le Loup des steppes [Der Steppenwolf] (1927). Quadragénaire cultivé, Harry Haller ne parvient pas à unifier les deux aspects de son être (instinct/esprit) : le « loup » (animal aigri) et « l'homme » (héritier d'une grande civilisation). Hanté par l'idée du suicide, il est délivré de sa névrose par Hermine, qui l'entraîne dans une découverte de la dispersion du monde intérieur. Avec des accents nietzschéens (pessimisme, volatilisation du moi), Hesse présente un monde chaotique. À la fin, Haller apprend le rire mozartien (légèreté retrouvée) qui, idéalement, doit permettre une intégration des multiples facettes d'un être en constant devenir.

Le Jeu des perles de verre [Das Glasperlenspiel]. Ce dernier roman (1943) projette un idéal de vie contemplative qu'il faut à la fois préserver contre les périls extérieurs et propager dans le monde (vie active). Reprenant des éléments de son Voyage en Orient, Hesse décrit un Ordre nommé « Castalie » (une « province pédagogique » inspirée de Goethe), où des êtres choisis dès l'enfance pour leurs qualités humaines et intellectuelles se vouent à l'étude désintéressée, par la méditation et des règles monacales. Ce « Jeu des jeux » promet la création d'un langage traversant les âges et les civilisations et permettant de réunir la totalité des connaissances humaines. À travers la vie de Josef Knecht (= valet) qui, vers l'an 2200, gravit tous les échelons de l'Ordre jusqu'au grade de Magister ludi, apparaissent des thèmes chers à l'auteur comme le sacrifice de l'individu à la communauté et la relation maître/élève. Lorsque Knecht périt dans les eaux d'un lac, son jeune élève Tito se sentira profondément transformé et appelé à poursuivre la mission du Maître.