Guillaume de Machaut ou Guillaume de Machault
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Musicien et poète français (Machault, près de Reims, v. 1300 – Reims 1377).
Guillaume de Machaut était un clerc lettré, frotté de théologie, qui débuta par un motet en latin adressé à l'archevêque de Reims, Guillaume de Trie. Nommé aumônier du roi de Bohême, Jean de Luxembourg, il accompagna son maître dans ses randonnées à travers l'Europe : avant 1342, il rédigea pour lui le Jugement du roi de Behaigne, dit qui rapporte le débat d'une dame et d'un chevalier confrontés à la séparation, clos par la sentence du roi de Bohême. Puis il servit Bonne, la fille de Jean de Luxembourg, avant de se tourner, à la mort de celle-ci, vers Charles, le jeune roi de Navarre (Jugement dou roy de Navarre, 1349). Il lui adressa le Confort d'ami (1356), consolation illustrée d'exemples utiles à un prince, à l'occasion de l'emprisonnement du roi par le roi de France. Mais Guillaume se rallia à ce dernier en 1357 (la Messe Notre-Dame a d'ailleurs longtemps été dite « du sacre de Charles V »). Il acheva ses jours comme chanoine de la cathédrale de Reims. Dans le prologue rédigé à la fin de sa vie pour introduire à son œuvre, sous la forme d'une fiction allégorique, il offre un art poétique. Musicien, il représente l'apogée de l'art du xive siècle, l'application virtuose des règles de l'ars nova de Philippe de Vitry : il fait bénéficier de la polyphonie des genres jusque-là monodiques, comme le lai ou le virelai, sans jamais séparer la musique de la « rhétorique seconde », c'est-à-dire de l'art poétique. À l'exception des motets latins de nature religieuse, l'œuvre lyrique de Machaut s'inscrit dans la veine courtoise. L'auteur innove en traitant de la lyrique courtoise dans les formes existantes qu'il renouvelle (ballade, rondeau, lai, virelai), en inventant des modèles, en créant des associations métriques, rimiques et strophiques, en enrichissant les rimes. Pour certaines de ces pièces, il n'a pas fait de musique, les vers étant composés d'abord et les notes devant être ajoutées ensuite : la poésie n'est donc pas asservie à la musique. Parallèlement à ses œuvres lyriques, il compose des dits qui renouvellent des thèmes traditionnels : le Dit du Verger, qui emprunte ses éléments essentiels au Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, le Dit de l'Alérion (av. 1349), art d'aimer illustré de commentaires scolastiques. Dans le Dit de la Fontaine amoureuse, intitulé aussi Livre de Morpheus d'après le nom du dieu des rêves Morphée, dont trois récits illustrent le pouvoir magique, il s'agit de consoler un prince, Jean de Berry, à qui le poème est dédié, au moment où il doit partir en Angleterre comme otage à la place du roi de France Jean le Bon (1361). La fiction amoureuse met en forme la leçon morale, dans la tradition ambiguë du Roman de la Rose, que rappelle l'image de la fontaine. Ses poèmes didactiques et allégoriques témoignent d'une même nouveauté : le Remède de Fortune (vers 1341), dit appelé aussi traité, conjoint poésie et didactisme dans la trame d'une intrigue amoureuse qui comporte 9 pièces lyriques musicales. Mais le chef-d'œuvre littéraire de l'auteur est à l'évidence le Voir-Dit (1364), ou « dire le vrai », dans lequel il prétend à la confession personnelle mais propose un art d'aimer où, à travers l'échange épistolaire des deux amants, le vieux poète et la jeune admiratrice, et le cheminement de leur amour vers le désamour, s'élaborent conjointement la vérité du cœur et celle de l'art.