Emily Brontë

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Romancière et poétesse anglaise (Thornton 1818 – Haworth 1848).

Alors que leurs aînés, Charlotte et Branwell, rédigeaient les chroniques d'Angria, Emily Brontë et sa sœur Anne créèrent leur propre univers, l'île de Gondal dans l'océan Pacifique. Aucun des textes en prose des sœurs cadettes ne nous a été transmis, et c'est seulement à travers quelques poèmes que l'on connaît ce territoire imaginaire, dont Emily et Anne auraient continué à alimenter le mythe jusqu'à la fin de leurs jours. À l'automne 1845, Charlotte découvre les poèmes écrits par Emily et réussit, malgré la fureur de sa sœur, à la persuader de les publier : en mai 1846 paraît un recueil de poèmes, sous les pseudonymes masculins d'Acton, Currer et Ellis Bell. Emily était la poétesse la plus inspirée de la famille ; ses œuvres, chargées de mysticisme, ne sont pas toujours faciles d'accès. Lorsqu'elle aborda le roman, elle produisit avec les Hauts de Hurlevent (1847) l'un des chefs-d'œuvre incontestés de la littérature anglaise. On s'est souvent demandé comment une jeune fille élevée dans un presbytère de province, dont la plus grande aventure avait été un séjour de quelques mois à Bruxelles, avait pu concevoir un roman d'une telle ampleur dramatique, et à la construction extrêmement complexe. Heathcliff, mystérieux enfant adopté chez les Earnshaw, rencontre l'hostilité du fils légitime mais suscite une violente passion chez sa sœur, Catherine, qui optera néanmoins pour un mariage de raison. Le « bohémien » dédaigné s'enfuit ; à son retour, il tentera en vain de se venger sur la fille de Catherine, qui était morte en couches. Le « paria » et sa demi-sœur ne se retrouveront que dans la mort et leurs fantômes errent encore sur les landes du Yorkshire. Cet hymne à l'amour fou est confié à deux narrateurs improbables : le pusillanime Lockwood et, surtout, Nelly Dean, vieille bonne qui a été la confidente de Catherine Earnshaw et le témoin privilégié de tous les incidents survenus dans la demeure familiale, les Hauts de Hurlevent. Le bon sens terre-à-terre de l'une, la sottise et la médiocrité de l'autre rendent d'autant plus fascinantes les personnalités flamboyantes de l'intrigue principale, connue à travers leurs récits. Après ce chef-d'œuvre, Emily n'aurait plus le temps d'écrire ; elle devait mourir en novembre 1848, peu après son frère Branwell.