Elias Canetti

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain britannique d'origine bulgare d'expression allemande (Ruse, Bulgarie, 1905 – Zurich 1994).

Issu d'une famille juive séfarade où l'on parle le ladino, il vit une enfance polyglotte partagée entre la Bulgarie, l'Angleterre, la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne, pour élire enfin domicile dans la langue allemande. Entre 1924 et 1938, il vit en Autriche, où il étudie la chimie, et c'est là, sous l'influence de ses idoles Karl Kraus et Nestroy, qu'il devient écrivain. Après avoir terminé en 1931 son unique roman, Auto-da-fé (primitivement intitulé Kant prend feu, publié en 1935 sous le titre l'Aveuglement, puis en 1968 sous le titre actuel), une fable allégorique sur le malaise dans la civilisation inspirée du Don Quichotte de Cervantès et des Ames mortes de Gogol et dont la structure renvoie à la Divine Comédie, il écrit deux pièces de théâtre (Noce, 1932 ; Comédie de la vanité, 1933-34) dans l'esprit de Kraus et d'Aristophane. Exilé en Angleterre depuis 1938, il se consacre exclusivement à son essai anthropologique Masse et Puissance (1960), défi lancé à Freud et à Marx et considéré comme « l'œuvre de sa vie ». Pendant l'élaboration de cette somme, il tient un carnet dont l'essentiel sera recueilli dans le Territoire de l'Homme (1973), œuvre aphoristique se situant dans la tradition de Kraus, de Lichtenberg et des moralistes français, et que prolongent les  caractères » du Témoin auriculaire (1974), inspiré de Théophraste et La Bruyère. Après la publication de ses essais (notamment sur Kafka, Kraus, Büchner et Broch) en 1976, son autobiographie en trois volumes (la Langue sauvée, 1977 ; le Flambeau dans l'oreille, 1980 ; Jeux de regard, 1985) le consacre auprès d'un public toujours croissant : œuvre à part entière, construite en hommage du père disparu très tôt et à la mère qui initie l'enfant à la langue allemande, « seconde naissance » douloureuse et salvatrice, c'est aussi le tableau foisonnant de la vie intellectuelle de l'entre-deux-guerres. Le Cœur secret de l'horloge (1987), sous une même forme aphoristique, poursuit la réflexion sur les langues et la mort, toujours placées au centre de l'œuvre de Canetti. Le prix Nobel de littérature (1981) ne couronne pas un auteur issu d'une littérature nationale, il rend hommage à une œuvre prophétique étroitement liée aux auteurs phares de la modernité viennoise (Kraus, Kafka, Musil, Broch) dont il se réclame.