Carl Johan Love Almquist

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain suédois (Stockholm 1793 – Brême 1866).

Il s'engage simultanément dans les idées de Swedenborg et dans le göticisme qui entendait exalter les antiquités nationales. Il aborde, dès 1816, un des thèmes majeurs de sa réflexion – la vie du couple – dans un essai Qu'est-ce que l'amour ? (dont la version intégrale ne sera publiée qu'en 1960), illustré en 1819 par un bizarre roman, Murnis ou les Récits des morts, et, en 1822, par un récit frénétique et chaotique, Amorina, où l'invraisemblance, le réalisme, la peinture du crime et de la folie, l'érotisme et l'idylle font violemment pièce au classicisme : il y crée le plus fascinant de ses personnages, appelé à reparaître dans son œuvre, l'androgyne Tintomara, poursuivi par le malheur. Almquist, révolté contre tout et tous, retourne à la terre, devient fermier et épouse une paysanne : cette entreprise au fondement rousseauiste est vouée aussitôt à l'échec. En 1828, il se fait pédagogue et rassemble la majeure partie de son œuvre (1832-1851) sous le titre global de Livre de l'Églantine. Sous la fiction d'une « académie » dont chaque membre lit ou raconte une histoire, l'ensemble regroupe des contes, des poèmes, des romans, des drames. Il s'agit d'une œuvre colossale où se mêlent toutes sortes d'écrits, depuis les manuels de mathématiques, d'histoire, de géographie politique, de grec, de français, jusqu'aux recueils d'un lyrisme chantant (Songes, 1849), en passant par de grands romans historiques (les Joyaux de la reine, 1834), des essais fracassants (l'Importance de la pauvreté suédoise, 1838) et d'innombrables récits, certains réalistes (le Moulin de Skällnora, 1838), mais tous violemment polémiques, comme l'Exécrateur de Dieu (1832), l'Urne (1838), le scandaleux Marjam (1840), qui s'en prend aux théologiens, et surtout Sara (1838, puis 1850) qui reste un des plus virulents pamphlets féministes jamais écrits. Dans le cadre d'une charmante idylle romantique, l'auteur y réclame l'égalité totale entre les sexes et la liberté inconditionnelle de la femme, notamment sur le plan économique : thèses si audacieuses pour l'époque qu'elles déclenchèrent une violente polémique en Suède, et gardent encore aujourd'hui un caractère explosif.

Il s'est laissé tenter, en vain, par l'Université avec une thèse en latin sur Rabelais, s'est fait pasteur luthérien, fonctions dont il sera destitué. Poursuivi pour faux et tentative d'empoisonnement (il sera condamné par contumace en 1853), il s'enfuit aux États-Unis, où il épouse, bien que marié en Suède, une riche veuve. Il revient en Europe en 1865, mais ne parviendra pas à rentrer dans son pays et mourra à Brême, laissant une œuvre qui a souvent pressenti les thèmes les plus audacieux du modernisme.