Innokenti Fedorovitch Annenski

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète russe (Omsk 1856 – Saint-Pétersbourg 1909).

C'est l'un des poètes russes majeurs du xxe siècle. Helléniste érudit, il est nommé directeur du collège de Tsarskoïe Selo, puis inspecteur. On le connaît alors pour des tragédies à sujet mythologique (Mélanippe philosophe, 1901 ; le Roi Ixion, 1902) et des traductions d'Euripide. Sa mort est à l'image de sa vie : il s'écroule dans la rue, frappé d'une crise cardiaque, et on le transporte anonymement à la morgue, où sa famille ne le découvre que plusieurs jours après. Son premier recueil de vers, Chantre à voix basse (1904), publié sous le pseudonyme de « Nik. T. O. » (« Personne »), passe à peu près inaperçu, sauf de Blok et de Brioussov, qui le saluent comme l'œuvre d'un grand poète. Son univers est celui de la vie quotidienne (on a comparé sa vision à celle du cinéma minimaliste américain), avec une prédilection pour la saison d'automne, traversée d'images fugitives et brouillées, de visions impressionnistes qui l'apparentent à Mallarmé et au symbolisme français – il fera connaître Verlaine à la Russie –, et où surgissent l'angoisse de la mort et la sensation du chaos (Vers posthumes, 1923). On lui doit aussi des essais critiques (Livre des reflets, 1906-1909) dans lesquels il se montre, par son intérêt pour les structures formelles et linguistiques, un précurseur des formalistes. Mais c'est surtout le Coffret de cyprès, publié après sa mort, en 1910, qui assure sa célébrité. Goumiliov vit dans ce recueil « le catéchisme de la sensibilité moderne » : le poète y déploie en effet une sensibilité angoissée, tragique, qui capte le mouvement imperceptible, l'ombre fugitive. Pour Annenski, rien n'est stable et, à la surface des choses, se laissent deviner le chaos ou la mort. Comme chez les symbolistes français dont il est proche, les images appellent des correspondances dans l'ordre de l'émotion : ainsi les fleurs, dont la présence ponctue le recueil, évoquent l'étouffement et la mort.