André Chénier

André de Chénier
André de Chénier

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain français (Istanbul 1762 – Paris 1794).

Après ses études à Paris au collège de Navarre, il accepta un poste de secrétaire d'ambassade à Londres, où il resta jusqu'en 1790. Il salua avec enthousiasme les espoirs soulevés par 1789, mais ne tarda pas à s'opposer aux Jacobins dans ses articles du Moniteur et du Journal de Paris. Arrêté en mars 1794, il est exécuté deux jours avant la chute de Robespierre, en compagnie du poète Roucher. Il n'a publié que deux textes en vers, une ode, le Jeu de paume (1791), dédiée au peintre David et saluant le geste des états généraux, et un Hymne aux Suisses de Châteauvieux en 1792. Mais il laisse une masse de manuscrits. Ses œuvres sont partiellement publiées à partir de 1819 par H. de Latouche et les éditions se succèdent au cours du xixe s. Mais le classement et l'interprétation des manuscrits posent de nombreux problèmes pas encore tous résolus. Le déséquilibre est frappant entre la réalité d'une œuvre qui n'est qu'ébauchée et la place qu'André Chénier a prise dans l'histoire littéraire et la mémoire culturelle. Le mythe l'emporte sur l'œuvre dans le roman de Méry, le drame de J. Barbier et l'opéra d'Umberto Giordano qui portent son nom.

Comme les Élégies et les Amours (1780), les Bucoliques sont directement imitées de la littérature grecque ancienne. Mais les poèmes de ce recueil, rédigés de 1778 à 1787 environ et publiés en 1819, exposent les obstacles pour atteindre l'idéal antique (« la Liberté », « le Mendiant »), la misère du poète (« l'Aveugle »). La géographie des Bucoliques est essentiellement insulaire, îles de l'Égée, Grande-Grèce, et la mer figure cette menace perpétuelle : la mort (« la Jeune Tarentine », « Chrysé », « Dryas »), la fuite d'un amant (« Néaere »), la capture par un dieu (« l'Enlèvement d'Europe »). Contre le lyrisme mondain de son temps, Chénier cherche dans l'Antiquité une inspiration qui renouvelle la poésie. Publiée par Marie-Joseph, en l'an IX, sous le titre d'« Élégie dans le goût ancien », « la Jeune Tarentine » est l'exemple le plus connu de cette veine. Le poème l'Invention et l'Essai sur les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres et des arts, en prose, théorisent l'imitation. La formule « Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques » sert de programme à une alliance entre des sujets modernes, en particulier scientifiques, et une perfection formelle digne de l'Antiquité. Se voulant un nouveau Lucrèce, Chénier s'inscrit dans le sillage de la poésie descriptive déjà illustrée par Saint-Lambert et Roucher. Il a en ce sens commencé la rédaction de deux sommes poétiques, l'Hermès, qui cherche à recenser le savoir encyclopédique de son siècle dans de longues suites d'alexandrins, et l'Amérique, vaste épopée du Nouveau Monde. L'actualité politique enfin a nourri sa verve satirique, qui s'était déjà exercée dans la République des lettres. Il utilise la forme de l'ode pour chanter Charlotte Corday et son courage dans l'assassinat de Marat, mais adopte le mètre antique d'Archiloque dans les Ïambes, cycle de poèmes satiriques, composés en 1794, pendant sa détention à Saint-Lazare, et publiés en 1819. Chénier y dénonce avec une violence passionnée la panthéonisation de Marat, les proscriptions de la Terreur, les compromissions de l'époque, dont le prosaïsme s'oppose à la poésie, instrument de résistance et d'évasion.