Aleksandr Ivanovitch Herzen
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Philosophe et écrivain russe, connu également sous le pseudonyme d'Iskander (Moscou 1812 – Paris 1870).
Fils naturel d'un noble et d'une institutrice allemande, il reçut une éducation soignée, imprégnée de culture française. La révolte et la répression des décembristes le marquèrent à vie. Étudiant, il est déporté en Sibérie pour « activité subversive ». Il ne revient à Moscou qu'en 1840, s'intègre à la société intellectuelle, se range dans le camp des occidentalistes contre les slavophiles, mais s'oriente progressivement vers la définition d'un socialisme russe fondé sur la communauté agraire. Persécuté, il quitte la Russie pour l'Europe, dont l'esprit « bourgeois » le déçoit. Il est à Paris en 1848, mais il est alors expulsé et s'installe en Angleterre à partir de 1852. A Londres, il édite une revue mensuelle, la Cloche, qui lui sert de forum pour diffuser ses appels à la révolution et à l'action, et continuer ainsi à jouer un rôle politique en Russie. L'émergence d'une nouvelle génération de révolutionnaires, plus radicale, provoque une désaffection de son auditoire et il cesse toute activité en 1868. L'œuvre de Herzen est d'abord politique, même dans son roman, À qui la faute ?, publié en 1847 et qui connut un immense succès. Ce roman à thèses dénonce, à travers une intrigue amoureuse traditionnelle, l'inaction caractéristique de la jeunesse intellectuelle, incarnée par Beltov – également prototype de l'« homme de trop », figure promise à un grand avenir dans la littérature russe. Mais c'est dans un recueil politique (De l'autre rive, 1850) et surtout dans son autobiographie que sa prose vivante et classique trouve sa plus belle expression : Passé et méditation (1852-1868) sont les Mémoires d'un révolutionnaire qui mêle expérience personnelle et Histoire récente ; le ton libre et sincère, le vécu et la sensibilité de leur auteur en font une œuvre majeure. Herzen, figure centrale de la vie politique européenne, qui fut en relation avec Proudhon, Mazzini, Louis Blanc, Hugo et Michelet, ne se contente pas de témoigner : il analyse événements et courants de pensée, trace des portraits pénétrants, de sa famille ou des grands révolutionnaires européens, revient avec émotion sur des événements douloureux, la mort de sa femme comme le sang qu'il a vu couler en 1848 à Paris, sans se départir de l'ironie qui est la marque principale de son style.