Alejo Carpentier
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain cubain (La Havane 1904 – Paris 1980).
Né d'un père breton et d'une mère russe, il fait une partie de ses études à Paris et s'intéresse très tôt à la musique de son pays. Sous la dictature de Machado, il est emprisonné pour ses activités politiques mais, grâce à Robert Desnos de passage à La Havane, il peut s'exiler et vient s'installer à Paris (1928), où il vivra onze ans, se liant avec les surréalistes, mais surtout Artaud et Prévert. Rentré à Cuba en 1939 après avoir donné un premier roman (Ecue-Yamba-O, 1933) évoquant les rites de sorcellerie antillais, il poursuit ses recherches en musicologie (Histoire de la musique cubaine, 1946) et connaît de nouveau l'exil, au Venezuela. Il revient alors au roman, cherchant à traduire, dans une prose imagée et superbement baroque, l'aspect irrationnel du monde latino-américain et le mélange des cultures : le Royaume de ce monde (1949), histoire du roi Christophe à Haïti ; le Partage des eaux (1933), où il relate les aventures, presque autobiographiques, d'un musicologue fasciné par les civilisations primitives d'Amazonie ; le Siècle des lumières (1962), qui montre l'irruption des idées de 1789 dans les Caraïbes. En 1956, il publie cinq nouvelles sous le titre de Guerre du temps et, lorsque triomphe la révolution castriste, il regagne Cuba, où il occupera divers postes officiels. De 1966 jusqu'à sa mort, il sera ministre conseiller de l'ambassade de Cuba à Paris. Après un court roman (le Droit d'asile, 1972), il brosse dans le Recours de la méthode (1974) le portrait d'un dictateur hispano-américain imaginaire qu'il fait vivre, en un exil doré, dans le Paris de la Belle Époque. Suprêmement habile à recréer les temps et les lieux, il imagine la rencontre d'un grand seigneur mexicain et de Vivaldi dans la Venise du xviiie siècle (Concert baroque, 1974) et consacre à Christophe Colomb un roman dans lequel il donne libre cours à son éblouissante culture et à son humour (la Harpe et l'Ombre, 1979), et qui inspira au Chilien Edmundo Vázquez un quatuor à cordes (1980). Dans la Danse sacrale (1979), qu'il considère comme le plus ambitieux de ses romans, il retrace les diverses étapes de sa vie itinérante à travers l'histoire d'un homme et d'une femme gagnés par l'idéal révolutionnaire, depuis les années allant de la guerre d'Espagne à la révolution cubaine. Ses nombreux essais et chroniques ont été notamment réunis dans Lettre et Solfège (1976), Sous le signe de la Cibeles (1979), Raison d'être (1980), Ce musicien que je porte en moi (1981).